Palabra y Razón
 ISSN 2452-4646 versión en línea N° 15 Julio 2019 Universidad Católica del Maule



Maurice Bellet: la fidélité créatrice


Maurice Bellet: the creative loyalty



Myriam Tonus
Magister en Filología Romana
 myrtonus@gmail.com
Fecha de recepción: 15-05-2019
 Fecha de aceptación: 08-06-2019

Como citar este artículo: M. TONUS “Maurice Bellet: la fidélité créatrice” en Palabra y Razón. Revista de Teología, Filosofía y Ciencias de la Religión N°l5, Julio 2019, pp. 75-95 https://doi.org/10.29035/pyr.15.75


Resumen: Este texto reconstruye la trayectoria teológica del teólogo francés Maurice Bellet (1923-2018), en el cruce de la teologia, de la filosofia y del psicoanálisis. Promotor de una teología que escucha las Escrituras y las búsquedas de verdad y de sentido de los seres humanos, Maurice Bellet fue uno de los teólogos más famoso de su generación. Después de algunas consideraciones sobre la naturaleza del gesto teológico de Bellet, la autora desarrolla tres temáticas centrales en la obra de Bellet: la Palabra, la figura de Cristo, y la exigencia de una fe critica.

Palabras claves: Evangelio, Palabra, escucha, humanidad, Cristo

Abstract: This text reconstructs the theological trajectory of the French theologian Maurice Bellet (1923-2018), at the crossroads of theology, philosophy and psychoanalysis. Promoter of a theology that listens to the Scriptures and the quests for truth and meaning of human beings, Maurice Bellet was one of the most famous theologians of his generation. After some considerations on the nature of Bellet’s theological gesture, the author develops three central themes in Bellet’s work: the Word, the figure of Christ, and the requirement of a critical faith.

Key Words: Gospel, Word, listening, humanity, Christ


 
Une Parole inouïe : c’est ainsi que Maurice Bellet parlait de l’Évangile. Inouïe au sens familier du terme, c’est-à- dire tout à fait extraordinaire. Inouïe aussi et surtout au sens étymologique, qui renvoie à une chose que l’on n’a pas (encore) entendue, porteuse d’avenir donc. L’adjectif pourrait convenir à l’oeuvre de ce théologien majeur du 20e siècle. Soixante livres, d’innombrables articles et conférences : couvrant un demi-siècle, l’oeuvre de Bellet, décédé en avril 2018, est extraordinairement riche, multiforme, originale1. Mais il se pourrait bien que cette parole – car c’en est une – qui a marqué toutes les personnes qui l’ont entendue voie sa fécondité s’accroître encore dans l’avenir. Fécondité posthume, qui est souvent l’apanage paradoxal des créateurs authentiques.


1. Inclassable

Docteur en philosophie et en théologie, Maurice Bellet n’était pas psychanalyste au sens académique, bien que le titre fût toujours accolé aux deux premiers. Ayant lui-même fait l’expérience analytique, il en avait été profondément marqué et s’était formé à la pratique d’une écoute toute entière offerte à la parole d’autrui, surtout lorsque celle-ci dit la détresse et la douleur d’exister.

La bibliographie de Bellet reflète ce triple enracinement, sans que l’on puisse toujours déterminer avec précision la catégorie dont relève tel ou tel livre. C’est que pour lui, philosophie, théologie et psychanalyse n’étaient pas des “ disciplines“ - même s’il en maîtrisait de haut vol les contenus. C’étaient bien davantage des sources, vitales pour la pensée, irriguant en continu un travail de recherche et lui conférant sa saveur singulière. Pour notre auteur, si la philosophie est amour de la sagesse, il fallait bien que les principes de cette sagesse, si abstraits fussent-ils, rencontrent et se confrontent au plus concret de la vie humaine. Si la psychanalyse est théorie, il était impensable qu’elle se cantonne fièrement dans ses propositions, au mépris de la parole qu’elle entend, forcément étrangère. Si enfin la théologie est science du divin, il fallait d’abord mettre à nu, sans concession, ce que l’on entend par science et, plus encore, ce qu’il en est de ce que l’on appelle Dieu.

Autrement dit, si ces trois champs ne sont plus seulement considérés et étudiés pour leur contenu mais bien comme (res)sources pour la pensée et si la pensée est indissociable du vivre, alors peut-être comprend-on mieux la raison pour laquelle Maurice Bellet était souvent qualifié d’inclassable : qu’est-ce donc que cette théologie pétrie de philosophie rationnelle, qui écoute les Écritures comme l’on écoute une parole jusqu’en ses replis et non dits ? Qu’est-ce donc que cette philosophie qui fait éclater de toutes parts les limites de la raison ? Qu’est-ce enfin que cette psychanalyse qui, dans sa pratique, privilégie à toute doctrine et école la parole en quête d’un sens possible ?

Maurice Bellet n’avait que faire des catégorisations commodes parce que trop souvent elles prennent forme d’exclusives. Il aimait rappeler, non sans quelque amertume, qu’à l’Institut catholique de Paris où il enseignait, ses cours avaient été versés dans la section “ théologie pratique “ - alors même que le contenu de sa thèse de doctorat “ frisait l’hermétisme “, selon le mot de Paul Ricoeur, membre de son jury. On touche là à ce qui fut comme un mal-entendu permanent entre une représentation habituelle de ce qu’est la théologie, dans le milieu académique mais aussi pour une partie du public, et l’oeuvre singulière d’un auteur qui, d’emblée, voulait penser “ sur le clavier le plus large possible “.


2. Écoute et parole

Pour tenter de lever ce malentendu, il peut être utile d’opérer une distinction première entre mot et parole : les deux termes ne sont pas entièrement superposables. Les mots sont des supports linguistiques qui permettent d’énoncer à peu près n’importe quoi : faits, sentiments, théories, jugements… Le mot – ou signifiant – renvoie à un signifié, que le récepteur du message comprend plus ou moins selon sa maîtrise du code. La parole, elle, est dotée d’un attribut particulier : elle est performante, c’est-à-dire qu’elle ne laisse pas indemne celui ou celle qui la reçoit. Elle touche, d’une manière ou d’une autre, elle peut blesser ou faire vivre. Dire : “je ne suis pas d’accord avec ta position “ est une information ; dire : “ tu es idiot “ est une parole meurtrière. Banalité. Qui l’est beaucoup moins lorsqu’on entre dans le champ de la relation humaine et plus encore dans celui de la foi. On se souviendra de ces versets du livre d’Esaïe (55,9-11) :

“De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer pour fournir la semence au semeur et le pain à manger, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu et réalisé l’objet de sa mission”

S’il fallait absolument offrir un chemin d’accès à la pensée et à l’oeuvre de Maurice Bellet, c’est probablement de ce côté-là qu’on le trouverait, expliquant du même coup le désarroi sincère de tant de lectrices et lecteurs qui disent éprouver des difficultés de compréhension à la lecture de ses livres, alors même qu’ils pressentent que ceux-ci touchent à ce qui les importe au plus profond.

Maurice Bellet, je l’ai dit, a été transformé par l’expérience psychanalytique. Il y a découvert non seulement la possibilité de la venue à la conscience de ce qui, jusque là, était enfoui sous des strates familiales et/ou aussi religieuses, mais aussi et surtout le processus grâce auquel cette mise au jour pouvait s’opérer. C’est la présence d’une personne – l’analyste – dont l’écoute est absolument sans jugement ni a priori, bienveillante, non intrusive, sécurisante qui permet à la parole de l’analysant d’advenir comme malgré lui, parce qu’elle n’est plus barrée, refoulée. Et c’est là, dans cette relation asymétrique (l’un parle, l’autre écoute) que l’analysant peut, si tout se passe bien, entendre, entendre vraiment ce qu’il dit – et ce qu’il vit, qui souvent l’empêche de vivre vraiment. Parole et écoute : les deux mouvements seront désormais indissociablement unis dans l’être de Maurice Bellet qui ne cessera plus d’écouter et d’offrir, bien plus que des mots, une parole pour la vie. : “L’écrit s’en va. S’il trouve des lecteurs, mon voeu est qu’ils y entendent ce qui les éveillera à leur propre parole”2.

Désormais, pour lui, philosophie, théologie et psychanalyse ont un horizon commun : permettre à l’être humain d’advenir au plein de son humanité, au plein de sa vie, d’échapper à la destruction et au chaos qui toujours menacent. Dès qu’il s’est mis à l’écoute des personnes qui venaient déposer chez lui leur difficulté à vivre, ce qu’il a perçu – comme tout bon thérapeute, sans doute – c’est une immense souffrance, des vies littéralement empoisonnées, habitées par la tristesse et la mort – par-delà souvent des apparences sociales tout à fait respectables. Mais la spécificité de la plupart de ces récits, dont ne s’embarrassent pas tous les psychanalystes, c’est que la religion, la foi participaient directement, douloureusement à cette destruction. Qui mieux que Maurice Bellet pouvait percevoir cela, lui qui avait connu au cours de sa formation ce pervers travail de sape, produit par la culpabilisation, le scrupule et la détestation de soi “ au nom de Dieu “ qui est amour ? Il était inévitable qu’il écrive, en 1979, Le dieu pervers, qui le fit connaître du grand public et qui au fil du temps est devenu presque un concept dont on ignore qui, le premier, l’a élaboré.


3. De la tête au coeur

Cela aurait pu tourner au procès de la religion, voire au rejet de la foi.

S’il n’en fut rien, si Maurice Bellet demeura jusqu’à sa mort prêtre catholique, enraciné dans ce qu’il appelait la grande Tradition, c’est parce qu’au moment même où il se mit à l’écoute de ses frères et soeurs humains, il modifia radicalement son approche des Écritures. Si celles-ci sont bien “ Parole de Dieu “, alors il faut les couter et les entendre comme toute parole, c’est-à-dire non comme des informations pieuses ou morales, mais bien comme parole inaugurale, à la manière de ces dits qui, de l’Odyssée à la Baghavad-Gita et aux mythes amérindiens (ou aux contes de fées pour les enfants), ouvrent des chemins de sens pour l’̂être humain.

Entendons-nous bien : Maurice Bellet n’a jamais réduit les Écritures à des contes ou a des épopées légendaires. S’il n’était pas féru d’exégèse, il insistait sur la radicale nouveauté qu’a introduite, dans la lecture biblique, le travail de ces vaillants pionniers du 19e siècle, preuves vivantes que la tradition n’est jamais figée et que ce qui paraît scellé dans le marbre d’une doctrine intangible peut toujours être, non pas aboli, mais dépassé – comme en science la physique quantique ne rend pas risible celle de Newton sans laquelle elle n’aurait jamais vu le jour. “ Avant d’être lue, ou commentée, ou étudiée, la Bible doit être écoutée et entendue comme parole qui nous est adressée “, disait Maurice Bellet qui commençait chacun de ses temps de prière par l’invocation de Samuel : “ Parle, Seigneur, ton serviteur écoute “.

Écouter la Bible dans l’attitude qui était celle de Maurice Bellet, qu’est-ce que cela signifie ? Je me contenterai ici d’en proposer trois invariants – son oeuvre en offre bien davantage.

Tout d’abord, éteindre toute prétention au savoir. L’écoute nue suppose une forme de dessaisissement de soi, de vide consenti qui laisse toute la place à ce qui peut venir. Attitude non de passivité, mais au contraire d’attention extrême afin de percevoir, dans l’espace sans limite ouvert par la Parole, le “ murmure de fin silence “, proprement in-ouï, délié de tout ce qui, en amont, l’enferme dans le déjà là, le rabâchage, le trop connu. Il se peut que l’on ne perçoive rien – rien qui puisse se dire ou se réfléchir en tout cas. Ce n’est pas pour autant qu’il ne se passe rien : l’ensemencement du coeur par la Parole est parfaitement humble.

Un principe doit ensuite demeurer, qui garde du découragement ou de l’incompréhension qui peuvent saisir le croyant à l’écoute de certains passages de l’Évangile : si celui-ci est parole, c’est une parole bonne, heureuse annonce pour notre vie, encouragement à marcher. Si ce que nous entendons nous plonge dans la culpabilisation ou la peur (ô jugement dernier et damnation des pécheurs !), ce n’est pas que la Parole s’est faite cruelle, c’est que nous n’entendons pas encore assez loin, que nous restons enfermés dans un “ savoir “ gauchi, accablant, héritage d’un passé pas si lointain. Ce que Maurice Bellet appelle le “ principe Évangile “ doit demeurer, envers et contre tout, l’axe d’une foi d’autant plus exposée qu’elle ne se réclame de rien d’autre que de la Parole qu’elle écoute.

Si l’on fait sienne cette attitude d’écoute très humble, très nue, alors derrière les mots et les faits relatés dans les évangiles peut se dire quelque chose qui n’est plus un discours “ sur “ (sur Dieu, la Trinité, le salut, etc.), qui n’est plus une explication, encore moins une thèse – mais bien l’advenue d’une Parole qui touche au plus essentiel de ce qui nous fait humain. La figure du crucifié, par exemple, n’est plus d’abord rappel d’un événement passé, insoutenable dans sa violence (surtout s’il est “ justifié “ par notre statut de pécheurs !), engendrant culpabilité et/ou rejet. C’est, en toute réalité, la figure de l’humain en laquelle se rejoignent le Ciel et la Terre, tué par la violence de ceux “ qui ne savent ce qu’ils font “, habité d’une puissance de vie et d’amour telle que même la mort ne peut l’engloutir (je développerai ce thème un peu plus loin). Mais n’est-ce pas ce que dit la théologie la plus traditionnelle ? Certes. Mais dans l’écoute qui est celle de Maurice Bellet, il ne s’agit plus de se référer au passé pour essayer de (sup)porter le moment présent, mais bien de se laisser habiter par ce qui advient – Christ à venir, ainsi qu’il le nommait – qui transforme nos propres morts présentes en passages. La question n’est plus de savoir s’il existe une autre vie après la mort, mais bien de se laisser convertir à une vie radicalement autre dès maintenant.

L’écoute des Écritures opère ce trajet de la tête au coeur sans lequel la foi risque toujours de s’enclore en des croyances portées par des rites et des dogmes. Si l’intelligence et la raison peuvent – et doivent, selon Bellet – être parties prenantes de l’acte de foi, ce n’est pas pour en délimiter le territoire, mais au contraire pour s’en trouver elles-mêmes agrandies.


4. Sortir des impasses

Une lecture chronologique des livres de Maurice Bellet en est une éclatante démonstration, dans leur forme en tout cas. De la dense et difficile thèse de doctorat3 au Messie crucifié. Scandale et folie (dernier livre édité quelques mois après sa mort), on assiste au passage d’une expression théologique que l’on pourrait qualifier de traditionnelle (exposé, argumentation) à un langage que d’aucuns qualifieront de mystique, devenu lui-même parole partagée. Tout se passe comme si le vide consenti pour l’écoute de la Parole s’emplissait de ce qui est perçu. C’est d’ailleurs ce que disait Bellet : “ Je ne suis qu’un porte-parole. Je ne fais qu’écrire ce que j’entends dans ces textes mille fois abordés et toujours neufs “. Humilité non feinte de la part d’un homme qui s’éberluait lui-même de ce qu’il avait écrit : “ C’est vraiment moi qui ai dit cela ? “, disait-il lorsqu’une personne lui témoignait du bien que lui avait fait tel ou tel ouvrage. Il ajoutait parfois : “ Je ne suis qu’un vieux robinet rouillé. Le miracle, c’est qu’un peu d’eau pure puisse en sortir… “

Oui, la théologie de Maurice Bellet a très tôt passé outre les espaces doctement identifiés comme tels – la “ théologie théologienne “, comme il la nomme dans le très décapant Théologie express4. Il s’en explique : “Ce que nous voulons est la science. Quand donc y a-t-il science ? Quand les présupposés sont reconnus en leurs limites, quand à la rigidité doctrinaire succède la plasticité des modèles, quand l’expérience juge la théorie, quand la pensée critique l’expérience, quand tout peut être interrogé, y compris la position du sujet connaissant et l’idée qu’il se fait de la science”5. Ce que Bellet dénonce en la théologie théologienne, c’est donc essentiellement qu’elle se clôt sur elle-même, sûre de ses axiomes (qu’elle considère d’ailleurs bien plus comme des “vérités”), refoulant toute critique, si sûre d’elle qu’elle fait de Dieu un objet, au point parfois d’en occuper la place. “S’interroger sur la théologie est un exercice propre à défaire en nous ce qui, dans notre désir de penser Dieu, est obstacle ; en sorte que c’est bien toujours de Dieu même qu’il s’agit, non point par un discours, mais par un travail que nous nous faisons en nous6  pour qu’il soit un peu plus, pour nous, lui-même”7.

Avec cohérence, ce refus de se tenir en surplomb, Maurice Bellet le voulait également pour la philosophie. “La pensée dans la structure du Cogito se retire du corps. Bien entendu, elle peut penser sur le corps ; c’est même tout à fait à la mode. Mais elle ne pense pas corporellement. Que peut être le corps pensant ? Faut-il aller chercher du côté du geste, de l’amour chair à chair, du rire, de l’art ? Je n’ose dire : du symbole, tant ce mot-là mélange tout. Mais enfin, ce serait “quelque chose comme” une pensée où ne serait pas au principe la séparation de la pensée ; une pensée rêvant, marchant, mangeant, caressant, nourrissant ; une pensée de la bouche, de l’oreille, des yeux, du ventre, des seins, du membre donneur de vie, du jardin secret qui le reçoit, des pieds et des mains ! Je crains bien d’être inintelligible: signe de la distance, apparemment irréparable, où nous sommes d’une telle pensée “8. Comment prétendre après cela que le langage de Maurice Bellet est celui, abstrait, d’un intellectuel loin des réalités quotidiennes… Pour sortir de l’impasse où mène une pensée de l’alternative, il proposait trois renoncements : penser sans thèse, c’est-à-dire hors de l’ambiance du procès et de la querelle, comme un possible parmi d’autres ; penser sans thème, c’est-à-dire dans un espace où rien n’est d’avance déterminé par tel ou tel objet ; penser sans mode, en-deçà du doute de l’interrogation elle-même, qui sont au fondement du Cogito. Cela ne signifie pas pour autant consentir à la confusion. Pour Bellet, il s’agit de dégager la pensée et la parole des impasses où elles se trouvent et de leur offrir l’espace le plus large possible. D’oser s’aventurer “là où il n’y a plus de cartes parce qu’on est dans le Far West” – belle image pour un homme qui, bien qu’un magazine le comptât parmi Les sept patriarches de la pensée chrétienne du 20e siècle, garda jusqu’à la veille de sa mort, un coeur et une volonté de pionnier.

La difficulté rencontrée par certains lecteurs tient sans doute précisément à son refus, qui alla s’accentuant, d’une pensée purement cartésienne, rationnelle, ordonnée. L’un de ses amis, sinologue athée avec qui il avait plaisir d’échanger, estimait que la pensée de Bellet avait quelque familiarité avec la pensée et la langue chinoises – lesquelles ignorent l’exclusive : ou ceci, ou cela. Cela enchantait notre théologien, qui découvrait ainsi qu’il est des humains qui pensent ainsi que lui-même avait l’habitude de le faire, préférant toujours le “et”, tentant de la sorte de rendre compte de l’inextricable complexité de l’humain – et de Dieu dont l’humain, à dire vrai, ne sait rien. A la fin de sa vie, il projetait d’écrire un livre qui aurait été, presque 40 années plus tard, comme un déploiement de Théologie express et qu’il intitulait déjà Théologie axiomatique. Un chapitre devait être consacré à la trilogie Si – Et – Ou. Le premier terme indique que toute pensée – et la théologie en particulier – doit mettre au jour et préciser ses axiomes. Le second renvoie à cette volonté de penser par associations plutôt que par exclusions. Le troisième, enfin, s’il est bien signe d’un choix, évoque l’enjeu, absolument crucial et inévitable, de la pensée ; ces situations où l’on ne peut que dire oui ou non, consentir ou refuser absolument, où il est devenu impossible de demeurer en surplomb.


5. Indispensable axial

Sans doute est-ce parce qu’il y avait été durement confronté à un moment de sa vie, et certainement parce qu’ils se disaient dans les paroles des personnes qu’il écoutait : le chaos et la destruction (deux figures d’une même menace) occupent une place importante dans l’oeuvre de Maurice Bellet. Trop importante, diront les esprits qui prétendent cultiver l’optimisme au prix de la lucidité. “Ouvrez le journal, regardez la télé et osez dire que le mal et la violence n’existent pas !”, répétait le théologien qui avait été particulièrement marqué par les horreurs de la seconde guerre mondiale.

Pour pouvoir vivre, humainement vivre, tout homme, toute femme, toute société a besoin d’un ordre premier, qui précède toute organisation familiale ou politique et sépare du chaos. “C’est pour chacun ce qui le sépare du crime, de la folie, de l’anéantissement ”9. Cet ordre repose sur trois impératifs : les limites qui préservent de la folie, de l’inhumain, du mal, du faux, etc. ; les répartitions qui organisent l’ordre en donnant sa place à chaque être humain au sein d’un ensemble relationnel où il peut exister comme humain (par exemple hommes et femmes, parents et enfants, les vivants et les morts...) ; ce qui assure la force et l’autorité de ces limites et les justifie : l’axial (ou fonction  première), le “ce-sans-quoi” (terme cher à Bellet !) tout se défait et tombe dans le chaos si les limites cèdent. Nombre de parents et pédagogues souscriront à cette proposition. Le récit de la Genèse, si vraiment on l’écoute, ne dit pas autre chose.

Or, relève Maurice Bellet, pendant des siècles, c’est la religion qui a largement assuré la fonction première, celle de l’axial. C’est autour d’elle comme autour d’un essieu que s’ordonnait la vie humaine, de la naissance à la mort, à elle que se référait le pouvoir politique, à partir d’elle que se structurait la pensée – dans le principe, du moins. La foi et la religion connaissent, dans nos pays occidentaux, un effacement croissant. Dans le même temps, les progrès fulgurants et multiples de la technoscience font voler en éclats les limites et les répartitions : le transhumanisme en est la projection la plus marquante. Remarquons que Bellet n’a jamais établi de lien de causalité entre l’érosion de la foi et cette explosion qui semble devenue la figure majeure de nos sociétés. Si l’état de notre monde l’inquiétait au plus haut point, s’il voyait se profiler toujours plus distinctement le spectre inquiétant du chaos, c’était parce que ce qui avait pris, à son estime, la succession de la religion, assurant un nouvel ordre moins évident mais tout à fait redoutable, c’est l’économie de marché. Un ordre dont la violence, à ses yeux, pouvait tristement rivaliser avec les pouvoirs les plus féroces qui ont, au cours de l’histoire humaine passée et récente, apporté mort et destruction. “ Cette violence ne se borne pas à tuer par intérêt, par peur, par excès d’agressivité ; elle cherche à tuer l’humain en l’homme, à défaire l’autre, à l’avilir ; pas seulement à l’exploiter, pas seulement à l’exclure, mais à l’éradiquer. Elle apparaît comme le mal humain par excellence ; et qui s’y trouve pris non seulement détruit autrui mais se détruit lui-même ”10. Echo de la phrase évangélique : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme; craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne ”. (Mt 10,28).

Dans un petit livre sans concession écrit cinq ans avant sa mort, Maurice Bellet brosse un tableau de nos sociétés particulièrement inquiétant, que ne démentent hélas pas les évolutions récentes. Mais il avait soin de préciser, à l’entame de l’ouvrage, que “l’espoir n’a de rigueur qu’à s’affronter aux forces meurtrières qui veulent sa mort. Le faux espoir préfère l’arrangement, le traitement doux, le diagnostic rassurant ou pas de diagnostic du tout ; on prolonge, on se rassure. Ou bien l’on s’en tient à des analyses devenues dogmes, au lieu de risquer la pensée jusqu’à ce qui paraît d’abord impensable. C’est là un pessimisme de fond, car l’on refuse précisément d’aller au fond des choses, où l’on s’imagine impuissant. La dureté ou l’apparent extrémisme de ce qui suit est en vérité le fait d’une espérance qui ne se résigne à rien de ce qui meurtrit, avilit, détruit les humains. C’est ainsi qu’il faut l’entendre : non comme un constat sinistre, mais comme l’ouverture d’un chantier immense où tout nous sera possible de ce que nous avons tendance à abandonner au destin ”11.

Maurice Bellet, à l’écoute des humains et de leur souffrance, à l’écoute du monde aussi et de ses délires, avait coutume de rappeler – à lui-même et à qui le sollicitait – : “l’ennemi, c’est la tristesse”, qui est une forme de complaisance avec ce qui détruit. À quoi il opposait sans relâche et avec une volonté sans faille ce choix de vivre et de travailler pour défaire toute forme de destruction. Attitude, dira-t-on, qui n’est pas l’apanage du croyant. Sans aucun doute. Mais s’agissant de Bellet, on peut affirmer sans incertitude non plus que l’écoute des Écritures qui nourrissait sa foi était son appui, sa force, sa source vive.


6. Au commencement, la Parole

Aimer et servir les êtres humains, aimer et servir Dieu étaient en effet pour lui une seule et même chose, impossibles non seulement à séparer, mais même à distinguer. Ce qui le plaçait en écart, une fois encore, par rapport à une théologie classique, qui aime à établir des classements, des champs de réflexion et d’action, distinguant soigneusement les théologies fondamentale, morale et pastorale – cette dernière opérant seule le lien entre la réflexion et ses implications pratiques auprès du peuple de Dieu… Je l’ai dit déjà : ce compartimentage était étranger à Maurice Bellet, qui tout à la fois pouvait explorer les “abysses vertigineux” (selon ses mots) de la quête de Dieu et donner chair à la Parole évangélique jusqu’en l’acte le plus humble. Et c’était non par raisonnable volonté, mais bien par pure cohérence, tellement évidente qu’il ne jugeait même pas utile de l’expliciter. Chemin de vie reprenant toutes les dimensions de l’être humain – tel qu’il se dessinait pour lui dans les textes du Nouveau testament. “Il n’y a pas, il n’y aura pas d’un côté une théologie, et de l’autre une anthropologie où l’homme est clos en soi et posé en objet de savoir, et où Dieu, le divin, le religieux, etc. sont un chapitre de ce savoir objectif. La pensée “christique” n’est pas prise dans cette coupure ”12.

Impossible, dans les limites de ces pages, de rendre compte de la richesse et de la profondeur de la parole théologique de Maurice Bellet – si tant est que l’on puisse la qualifier ainsi, puisque chez lui, toute parole renvoie, in fine, à la source qui l’inspire. Cette pensée est complexe au sens fort parce que précisément elle ne pose aucune exclusive, mais cherche à avancer dans d’infinies intrications relatives aussi bien à ce qu’il en est de “Dieu” que de ce qui fait l’humanité des humains. C’est pourquoi je proposerai ici trois thèmes présents tout au long de l’oeuvre de Maurice Bellet, suffisamment larges pour couvrir de multiples aspects de son oeuvre que le lecteur intéressé pourra ensuite approfondir.

Le premier de ces thèmes est celui de la Parole.

A l’écoute simultanée des personnes et des Écritures, cette forme d’écoute reçue de l’expérience psychanalytique, Maurice Bellet a perçu d’emblée ce qui n’est souvent que proposé de manière théorique, à savoir que la Parole inspirée s’adresse à des personnes, qu’elle peut être (ou non) reçue, qu’elle transforme celui, celle qui l’accueille dans tout son être. Ce qui peut paraître banale évidence catéchétique ne l’est plus du tout lorsqu’on prend au sérieux la parole et la vie des êtres humains, y compris parmi les croyants, habitées par la détresse jusqu’à la faute d’exister parfois : “il aurait mieux valu que je ne sois pas…”

“Dieu nous aime, mais personne ne le croit !” : cette boutade, dans la bouche de Maurice Bellet, avait longue portée, car elle place dans une lumière crue une réalité bien observable – à savoir que l’Évangile bonne nouvelle, heureuse annonce de bonheur et de vie ne semble pas bouleverser concrètement la multitude d’hommes et de femmes qui professent par ailleurs leur foi au Christ porteur de cette Parole. Autre boutade à longue portée : “Certains, et certainement par bonnes raisons, ont mis les grandes vérités au congélateur pour qu’elles ne pourrissent pas. Elles se sont conservées, mais elles sont immangeables ”13. Il est vrai, remarquait Bellet, qu’au fil des siècles, la Parole a été recouverte de multiples couches de scories et de déformations (moralisantes, particulièrement), qui ont fini par la rendre inaudible, voire incompréhensible. A force aussi d’être répétée, rebâchée jusqu’à l’usure dans des formes figées, elle a (en apparence) perdu sa force de conversion qui est metanoïa, retournement de tout l’être saisi par une puissance de vie qui lui donne place et joie d’exister.

C’est précisément cette puissance in-ouïe de la Parole que Maurice Bellet va s’efforcer de faire passer à travers ses livres. Puissance de vie, parole inaugurale qui dit à l’être humain qu’il est bon qu’il existe, quelle que soient les misères de son histoire. La Parole est toute entière agapè, ce mot que Maurice Bellet préférait à tous les autres, tant il estimait que les termes amour et, surtout, charité étaient équivoques, compromis, susceptibles de dire le meilleur comme le pire. “Ὸ θεὸς ἀγαπη ἐστἰν”, Dieu est amour : cette désignation extraordinaire de Dieu par l’évangéliste Jean (1Jn 4,8), était pour le théologien le coeur rayonnant de l’Évangile, “haute et humble tendresse”, précédant toute existence et la justifiant inconditionnellement, présence expérimentée déjà dans toutes les formes de présence humaine qui sont relation, soin, désir que l’autre vive : “ Dieu en nous est en la part d’amour que nous vivons. Il y a une équivalence rigoureuse, incroyablement rigoureuse, entre être tourné ver Dieu et se faire le proche de tout homme ”14. Dieu est amour : ce sont aussi parmi les tout derniers mots qu’il prononça (en grec !) avant de mourir. Son autre point d’appui était le verset de l’évangéliste Luc (19,10) : “ Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ”, horizon de l’agapè.

De la sorte, presque toute l’oeuvre de Maurice Bellet peut être lue comme la recherche, sans cesse reprise et approfondie, du sens de ces paroles qui sont non seulement annonce de salut pour l’être humain, mais aussi, d’un certain point de vue, tout ce que l’on peut dire de Dieu, puisque “Dieu, personne ne l’a jamais vu” (Jn 1,18)15. A celui ou celle qui souhaiterait explorer les racines de la foi, l’on ne peut que conseiller la lecture du monumental ouvrage Naissance de Dieu16, véritable somme qui continue d’inspirer, à leurs dires, certains théologiens…

Fil d’Ariane pour cheminer dans la pensée d’un auteur toujours en chemin, la Parole qui est agapè a offert, offre encore à de très nombreuses personnes – lecteurs ou visiteurs – une libération et un souffle qui, du même coup, rendent à cette Parole une “vérité” à laquelle peuvent adhérer non seulement la raison, mais le aussi le coeur et la chair. En ce sens, elles sont nombreuses aussi à témoigner les personnes qui, à l’instar du journaliste Jean-Claude Guillebaud qui était son ami, témoignemt combien la rencontre de l’oeuvre et de la personne de Maurice Bellet les ont ramenées dans un espace chrétien dont elles s’étaient éloignées. On comprend peut-être mieux pourquoi il ne pouvait formuler autrement ce qu’il entendait dans cette Parole adressée : plus l’on s’approche de l’indicible, plus les mots manquent. L’écriture ne peut que se faire elle-même poème, comme en témoigne l’ultime ouvrage publié : Le Messie crucifié. Scandale et folie.


7. Premier-né d’une humanité nouvelle

Second thème majeur dans l’oeuvre théologique de Maurice Bellet : la figure du Christ. Deux ouvrages lui sont explicitement consacrés : Christ et Scandale et folie, déjà cité. Mais la figure christique est également centrale dans Le Dieu pervers, qui met au jour les différentes figures auxquelles on peut réduire le Christ, aboutissant à sa… défiguration ; dans Je ne suis pas venu apporter la paix. Essai sur la violence absolue qui propose de l’aborder comme Freud le fit avec OEdipe, c’est-à-dire en essayant d’entendre le récit profond qui se dit à travers la vie et la mort de l’homme Jésus. Maurice Bellet aimait à préciser la place des deux noms : Jésus et Christ, en rappelant non sans humour que Christ n’était pas le nom de famille de “Monsieur Jésus” et que le “Je” du Christ que nous ont livré les évangiles n’est pas celui d’un individu dont sont tellement férus aujourd’hui certains chrétiens épris d’historicité, mais un “Je” infiniment plus vaste et plus profond, qui renvoie non seulement au Je suis du buisson ardent, mais aussi au je qui, par-delà l’étroitesse de l’ego, est le soi qui signe en tout être son humanité vraie et unique.

Pour Bellet, Christ est au principe. “Non pas objet ou individu, non pas Jésus historique ou idée de Dieu révélée. Est-ce à dire que je condamne qu’on puisse l’envisager de ces façons-là ? Pas du tout. Mais j’ai cherché ce qui était premier, l’entrée. Et il m’a semblé que l’entrée du Christ était l’entrée tout court, l’entrée de nos vies possibles et d’un réel habitable17. Disant cela, le théologien donne à la figure christique une signification beaucoup plus vaste que celle du “maître de sagesse” à laquelle beaucoup de croyants la réduisent aujourd’hui. On pourrait dire que toute la méditation de Maurice Bellet sur Jésus Christ est la plongée dans le dogme de son unique nature, à la fois entièrement humain et entièrement divin. Cette rencontre du Ciel et de la Terre défie toute raison, jusqu’à devenir totalement insoluble si elle ne concerne que l’individu Jésus. Mais pour Bellet , la figure de Jésus Christ, “c’est l’homme. Non pas l’homme en général, mais cet homme-là, celui-là, en sa chair et son sang, et en son Esprit. Il est l’Envoyé et il est l’Émergence. Envoyé, c’est-à-dire qu’il vient. Il n’est pas dans le déjà-là, car il n’est pour nous qu’advenant – du même coup, émergence Dans le long chemin de l’évolution des vivants, il apparaît comme une mutation de l’humain. […] il est qui il est, c’est-à-dire l’humanité, c’est-à-dire nous, c’est-à-dire chacun de nous”18.

Pensée audacieuse ? Pas plus, au fond, que celle de St Irénée de Lyon dans son fameux Deus homo factus est ut homo fieret Deus” : Dieu s’est fait humain afin que l’humain devienne Dieu. Maurice Bellet était, je l’ai déjà indiqué, d’une fidélité absolue envers “la grande Tradition” dont il aimait relire les textes, y puisant cette audace qui s’était, disait-il, perdue et affadie au fil des siècles dans une sorte de paresse théologique. Ce n’était pas à proprement parler, pour lui, un retour aux sources, mais plutôt le désir de déblayer cette source pour qu’elle se donne à entendre aujourd’hui, dans sa radicale nouveauté, pour les humains du 21e siècle. Qu’elle redevienne pleinement heureuse annonce par-delà tous les malheurs qui l’ont pervertie. “Quelle situation ! Le ‘contenu’ de la foi paraît plus incroyable qu’aux incroyants eux-mêmes, à cause de l’intensité qu’on y porte ; et cette intensité est plus grande que jamais puisque c’est celle d’une Parole qui porte, avec une force devenue absolue, ce que j’ai nommé différential, c’est-à-dire l’émergence d’une humanité vive par-delà les puissances de mort ”19.

Si, pour Bellet, la mise à mort de Jésus qui fait de lui “le Crucifié” est centrale, ce n’est certes pas en raison de son aspect douloureux, voire doloriste – l’auteur du Dieu pervers avait pu toucher de près les destructions et culpabilisations engendrées par un culte de la croix et une vision du “rachat” aux limites de l’insoutenable. Dans la figure du Crucifié, au contraire, Bellet voit le moment où “toute l’horreur humaine est surmontée dans le lieu même où elle s’exerce. Elle est traversée d’un jet de lumière où ce qui détruit toute foi, toute raison, toute sagesse, s’efface devant la toute-puissance de ce qui se donne à nous, dans l’émotion d’amour où paraît l’Autre loin de tout ce qui fait le train habituel du monde ”20. Autrement dit, Jésus Christ mort et relevé est comme la genèse de tout passage à travers la ténèbre de la mort. Habité du Souffle de Dieu qui est agapè sans limites, le Crucifié est celui “qui est le lien, le pouvoir-être, le par-delà la Violence, le Logos de vérité, Logos devenu chair, capable d’ôter en toute raison ou sagesse l’oeuvre du virus de mort. C’est comme un implosion qui se produit en ce lieu-là […] qui reprend à la violence tout ce qu’elle confisquait ”21. La traversée de la mort par Jésus Christ est le paradigme de toutes les traversées qu’un humain doit déjà affronter en sa vie, y compris ces “traversées de l’en bas”22 qui touchent aux détresses extrêmes et ont figure de mort. Si l’agapè peut, sans se renier ni se limiter, opérer ce passage qui ouvre sur la Vie, alors tout ce qui, en la vie humaine, est éclairé, même humblement, par l’agapè, cet entre-nous qui nous fait humains, a portée de naissance à une vie nouvelle, définitivement délivrée de la destruction.

Esquisser en quelques lignes, comme je le fais, la pensée de Maurice Bellet à propos du Christ ne fait pas droit à sa profondeur ni à son déploiement immense. Mais cela indique qu’on y trouve l’expression singulièrement innovante d’une christologie qui concerne au premier chef… l’être humain, bouleversant les vénérables schémas et rendant du même coup présente en la chair ce que la Tradition appelle la Promesse, le Salut, la Résurrection. Même en ces espaces de haute pensée, Bellet demeure arrimé à l’humanité ; s’il cherche et avance, c’est à la manière d’un éclaireur : pour que d’autres trouvent ou retrouvent chemin sous leurs pas.


8. L’effet boomerang

Le troisième thème récurrent chez Maurice Bellet est celui de la “foi critique.

Foi et critique, il le rappela souvent, n’ont pas toujours fait bon ménage et nombreux furent les intellectuels qui, au sein même de l’Église, eurent à souffrir de vouloir concilier leur foi et leurs recherches. Bellet mettait souvent en évidence le travail des exégètes qui, au moment où les sciences humaines (notamment l’histoire et la linguistique) prenaient leur essor à la fin du 19e siècle, menèrent dans l’ombre et les difficultés un travail qui allait bouleverser la lecture des Écritures. A cette époque, la foi était critique… au sens négatif, c’est-à-dire qu’elle était le lieu de mises en jugement et de condamnations des réalités du monde. En retour, elle fut la cible toute désignée d’innombrables et virulentes critiques venant de ce monde.

Dans sa thèse de doctorat soutenue en 1968 – La fonction critique dans la certitude religieuse – Maurice Bellet indique l’impasse de ce dilemme : “Que peut signifier la critique prise résolument au sérieux ? Ou bien sa fonction ressemble, qu’on nous passe l’expression, au cheval de Troie ; elle introduit dans la certitude le principe de sa fin, ou d’une mutation telle que la foi même y changera profondément de sens, et deviendra, par exemple, une philosophie ou une sagesse post-chrétienne. Ou bien au nom de la certitude religieuse et de son autorité ultime, on réservera plus ou moins consciemment un domaine sacré, où la critique sera tenue à distance. Bref, ou bien l’on s’interroge, ou bien l’on croit : de toute façon, l’activité critique en la certitude religieuse est un échec ”23.

On ne peut être que confondu devant l’actualité de ce constat posé il y a un demi-siècle. Stupéfait aussi de ce que, dans cet exercice philosophique de haut vol se trouve en germe un vaste pan de ce qui sera ensuite la réflexion proprement théologique de Maurice Bellet avec, déjà, la conviction affirmée “que ce dilemme n’est pas inévitable, qu’on peut travailler à le transformer en une tension féconde, et pour la certitude religieuse, et pour la réflexion philosophique elle-même ”24. C’est ainsi qu’au terme d’une complexe et austère réflexion philosophique, l’auteur de la thèse, reprenant le traditionnel passage de la lettre à l’Esprit, ose écrire : “La naissance de l’Esprit ne paraît plus ici dégagement rationnel de l’intelligible, mais l’annonce, en un sens imprévisible, d’une nouveauté absolue et tranchante, le commencement de Dieu en l’homme ”25. Comme si, d’emblée, Bellet avait identifié ou plutôt pressenti son point de départ. Dès ses premiers livres, ensuite, il se confirma qu’il avait entamé une marche qui ne s’arrêterait qu’avec sa mort.

Le thème du lien entre foi et raison, foi et critique va progressivement se cristalliser en un de ces retournements dont notre auteur avait le secret. En 2007, en effet, il écrit un livre qu’il souhaitait intituler la foi critique – et qui devint, par obscure raison de sa maison d’édition, Le Dieu sauvage, sous-titré tout de même “Pour une foi critique”. Le motif qui préside à l’écriture de cet ouvrage est le constat qu’à bien des égards, notre société moderne répète de vieux schémas opposant critique et croyance, mais sous d’autres formes, en une sorte d’épuisement stérile. L’hypothèse de Bellet est à la fois simple et percutante: “il y a, il peut y avoir, au coeur de ce qui apparaît comme croyance, une instance critique d’une radicalité absolue parce qu’elle correspond aux toutes premières nécessités humaines, proprement humaines”26.

A partir de ce qu’il appelle le “récit-Christ”, Bellet déploie la signification possible de la vie et de la mort et de la résurrection de Jésus, déjà évoquées : le Christ est l’humanité où s’opère la rencontre avec le Ciel, sans que le Ciel en soit réduit. Du coup, “le ‘religieux’, tel du moins que l’a conçu la modernité, est décidément trop étroit, voire même, et déjà du seul fait de son étroitesse, équivoque ou suspect ”27. Le christianisme risque de devenir un système ou une idéologie (tous les -ismes !) qui a perdu, à force d’évidences, la folie dont parle Paul. La foi critique, c’est l’épreuve de sa propre crise (et non plus dénonciation du monde) ; c’est ce discernement, ce jugement (sens du mot krisis en grec) qui s’exercent en retour, tel un boomerang, dès lors que la puissance de Vie qui est au coeur de la Parole place dans sa lumière ce qui était enclos dans la sécurité des formules et des rites. Ce peut être alors effondrement du chemin. “Non pas l’absence de Dieu, mais sa décomposition, une odeur de cadavre ”28. Ce qui demeure alors, indéfectiblement, “ce qui reste (si l’on ose dire !)29 et de Dieu et du Christ et de la résurrection, c’est cet amour entre nous, cet agapè, cette haute et humble tendresse dont Jésus disait que c’est par elle qu’on reconnaîtrait ses disciples. Ne voient là réduction à l’humain – et perte de Dieu –, de l’horizontal opposé au vertical, que ceux qui ne comprennent pas du tout ce qui est le coeur de l’Évangile : que précisément Dieu parmi nous est cet amour entre nous, et que le noeud et le lieu de cette identité est celui qui en témoigne à plein, inaugurant le nouvel âge, toujours nouveau : Jésus Christ Seigneur ”30.

La foi critique, c’est l’Explosion de la religion, c’est Le chemin sans chemin, titres de deux des derniers ouvrages de Maurice Bellet31. Non pas, ainsi qu’il le souligne, perte de la foi, mais au contraire purification extrême des représentations et des croyances qui paraissaient évidentes. Pas question, pour autant, de porter le moindre jugement sur les croyantes et croyants qui s’y trouvent bien ; simplement,  Bellet rejoint ici l’expérience de tant d’autres, si nombreux, pour qui les chemins tout tracés sont devenus impraticables. Il observait dans le même temps l’espèce d’inconscience diffuse dans le monde catholique, ce processus (distinct de l’inconscient) qui fait que ce qui devrait normalement être perçu est occulté parce que trop difficile à affronter. L’ouvrage qu’il était en train de rédiger au moment de sa mort s’intitulait Les dérives de l’inconscience : il y évoquait ce mécanisme à l’oeuvre dans notre société d’évidences… mais aussi dans l’Église.


9. Passer ailleurs pour tout sauver

C’est encore et déjà le principe de la foi critique qui portait, il y a près de 20 ans déjà, la réflexion du théologien dans La quatrième hypothèse. Sur l’avenir du christianisme32 : ou bien le christianisme disparaît et avec lui, le Christ de la foi ; ou bien il se dissout dans une espèce de sagesse humaniste réduite à des “valeurs chrétiennes” ; ou encore il continue, soit en se rigidifiant et par retour à des modalités anciennes, soit en tentant de s’accommoder au crédible disponible actuel33. La quatrième hypothèse, “c’est qu’il y a bien quelque chose qui finit, inexorablement; et c’est précisément ce système religieux, lié en fait à l’âge moderne d’Occident et beaucoup plus dépendant de lui qu’il ne l’imagine. […] Quelque chose meurt: et nous ne savons pas jusqu’où cette mort descend en nous. […] Quelque chose s’annonce, et nous ne savons ce que ce sera. Mais c’est comme si nous étions sur la ligne de départ, à l’orée d’un nouvel âge d’humanité ”34.

On ne le dira jamais assez : Maurice Bellet a conservé toute sa vie, par rapport à la Tradition chrétienne et par rapport à l’ Église, une fidélité sans retour. C’est précisément cette fidélité portée par l’amour de la Parole qui le motivait à pousser à fond la critique (au sens de discernement évoqué plus haut). Réformer l’institution ou tenter de dire la Parole à travers de nouveaux langages ne l’intéressait pas du tout car il considérait que ce sont là des questions paradoxalement dépassées, au regard du formidable enjeu qui est rien de moins que l’abandon des humains, livrés aux forces de destruction : “Si l’Évangile devient silence au lieu même de l’Évangile, alors tout le reste est vain ”35.
 
Ce qui était devenu pour lui l’urgence absolue, “c’est la découverte, c’est l’invention aujourd’hui (avec tous les risque de l’invention) de ce qui a paru avec le Christ et ne peut resurgir que par ses relations constitutives, dans la situation actuelle ”36. Il s’agit, en quelque sorte, de rééditer l’acte de Jésus Christ : profondément enraciné dans sa tradition de foi, il en dénonce avec force les perversions et impasses, non en abolissant la loi, mais en la portant à un point de perfection proprement subversif. Il ne veut pas créer une nouvelle religion, contrairement à ce qu’on prétend trop facilement chez les chrétiens, insistait Bellet, mais bien libérer et déployer définitivement le Souffle perceptible notamment chez les prophètes.

Cette exténuation contemporaine de la religion appelle, disait-il, un travail de fidélité, laquelle n’a rien à voir avec la répétition. La fidélité, à l’exemple de ce que fit Paul, c’est de reproduire un processus dans des circonstances différentes : que signifie aujourd’hui, pour nous qui ne vivons plus dans le monde antique, la question des viandes sacrifiées aux idoles ou celle du martyre ? Estimer que ces questions sont devenues obsolètes, c’est aller vite en besogne et les éliminer à l’aune de nos seuls critères. Il en va de même, insistait Maurice Bellet, de toutes ces expressions que tant de chrétiens veulent désormais verser aux oubliettes : enfer, jugement, rédemption, etc. Si elles ne sont plus comprises ou si elles ne suscitent que le rejet ou la tristesse, ce n’est pas qu’elles portent en elle le malheur, mais bien parce qu’elles sont devenues inaudibles, c’est parce que nous n’arrivons plus à les entendre pour ce qu’elles sont : bonne nouvelle, évangile pour la vie des humains.

Quel travail entamer afin que cela, vital aux humains, ne se perde pas ?

Maurice Bellet, grand admirateur des sciences exactes, utilisa alors un mot qui sert à désigner, en mathématiques, l’opération de déplacement d’un objet d’un point A à une point B, sans qu’il perde aucune de ses propriétés : la translation. Pour le livre portant ce nom, un sous-titre annonce clairement l’intention : “Croyants (ou non), passons ailleurs pour tout sauver !” La translation “est passage à une attitude autre où les deux côtés apparemment hostiles sont tous deux renforcés : une anamnèse plus exigeante et plus fine, une création plus critique et plus inventive ”37. Il s’agit de “sortir d’un discours qui sait et sait d’avance”, pour libérer une “parole qui éveille dans le lieu même du non-savoir, où la connaissance croît par la présence et pas d’abord par l’idée ”38.

La translation est une invitation à un travail (Maurice Bellet insistait sur le mot) multiple. Travail sur les thèmes chrétiens – et de donner en exemple, dans ce livre, le Don, le Jugement, la Résurrection. Travail aussi sur les modalités d’annonce de la Parole, à travers le principe de relativité relationnelle : “S’il y a une vérité elle n’a ‘sa vérité’ que dans la relation où elle se risque. Il ne suffit pas de ‘dire la vérité’ pour que la relation soit vraie. Or, en amont de toute vérité s’annonce et demeure cette relation primordiale où advient pour nous l’humain de l’humain. Si donc, dans la relation où s’instaure la parole, cette relation-là vient à défaillir, alors la plus haute vérité devient mensonge ”39. De quoi donner à penser à celles et ceux que taraudent l’ évangélisation et la catéchèse… Travail enfin sur la réalité de ce qu’on appelle Église, inévitable aux yeux de Bellet parce que “si vraiment de cet homme a jailli le feu qu’il voulait voir s’allumer sur la terre, alors il est impossible que ceux qui ont entendu cette voix ne constituent pas un groupe à part : tout simplement parce que d’autres ne l’ont pas entendue et que ce qu’elle dit est d’une telle force que d’entendre ou pas fait une différence majeure ”40. Mais l’ambition de cette ecclesia doit être extrême : “tout garder de ce qui fait la substance de la foi, se refuser absolument aux arrangements que réclamerait la pensée contemporaine. C’est être en même temps, non seulement contemporain, mais porté en avant par la foi même, pour une annonce et une pensée qui oeuvrent dans l’avenir qui commence parmi nous. Loin de réduire la foi à ce que l’on juge tolérable, c’est libérer sa puissance qui veut le bouleversement du monde. Loin de ramener toutes choses à ce qu’on peut en dire ou en faire à l’intérieur de la bulle religieuse, c’est oser se perdre dans un espace-temps qu’on ne maîtrise pas, où l’on peut seulement faire fond sur ce qui nous y jette – Abraham partit sans savoir où il allait 41.

Cette phrase exprime le sens même de la démarche et du travail qui furent ceux de Maurice Bellet pendant cinquante ans.

Je n’ai fait ici qu’en esquisser les contours – et encore, en pointillés. Avec l’espoir que dans cet avenir qui rivait le regard de Maurice Bellet, sa parole greffée sur la Parole qui veut la vie des humains, inspire des femmes et des hommes prêts à se mettre au travail.




Bibliographie de Maurice Bellet

On peut retrouver sur son blog – belletmaurice.blogspot.com – des textes de conférences, des articles, mais aussi des textes inédits qu’il a laissés à cette intention et qui continueront d’alimenter le site. Les parutions d’inédits et les rééditions y seront également annoncées.

 
aux éditions Desclée de Brouwer :
- Vocation et liberté, 1963
- La force de vivre, 1963 (rééd.)
- Ceux qui perdent la foi, 1965
- La peur ou la foi, 1968
- Essai d’une critique de la foi, 1968
- Le sens actuel du christianisme, 1969
- Le point critique, 1970
- Réalité sexuelle et morale chrétienne, 1971
- Le déplacement de la religion, 1972
- Foi et psychanalyse, 1973
- Naissance de Dieu, 1974
- Au Christ inconnu, 1976
- Le lieu du combat (Desclée), 1976
- La théorie du fou, 1977
- Le Dieu pervers, 1979
- Théologie express, 1980
- L’Issue, 1984
- L’épreuve ou le tout petit livre de la divine douceur, 1988
- L’écoute, 1989
- Christ, (Desclée) 1990 (rééd. Mame-Desclée De Brouwer 2010)
- Dire, ou la vérité improvisée, 1990
- L’Eglise morte ou vive, 1991
- La Critique de la raison sourde, 1992
- La seconde Humanité. De l’impasse de ce que nous appelons l’économie, 1993
- Incipit ou le commencement, 1994
- Sur l’autre rive, 1994
- L’extase de la vie, 1995
- Les allées du Luxembourg, 1996
- Le lieu perdu. De la psychanalyse du côté où ça se fait, 1996
- L’Europe au-delà d’elle-même, 1996
- L’insurrection, 1997
- Le sauvage indigné, 1998
- Thérèse et l’illusion, 1998
- La chose la plus étrange, 1999
- Le rêve, 1999
- L’amour déchiré, 2000
- La Voie (rééd.), 2000
- La Quatrième Hypothèse. Sur l’avenir du christianisme, 2001
- La Longue Veille. 1934-2002, 2002
- La nuit de Zachée, 2003
- Le paradoxe infini, 2003

 
aux éditions Bayard :
- Passer par le feu. Les années Christus, 2003
- I nvitation. Plaidoyer pour la gratuité et l’abstinence, 2003
- La traversée de l’En-bas, 2005
- Le meurtre de la parole, 2006
- Le Dieu sauvage. Pour une foi critique, 2007
- Minuscule traité acide de spiritualité, 2010
- Translation, 2011
- Si je dis Credo, 2012
- L’avenir du communisme, 2013
- L’explosion de la religion, 2014
- Notre foi en l’humain, 2014
- La chair délivrée, 2015
- Un chemin sans chemin, 2016

aux éditions Albin Michel :
- Dieu, personne ne l’a jamais vu, 2008
- Je ne suis pas venu apporter la paix. Essai sur la violence absolue, 2009
- La Voie (rééd.), 2018

aux éditions du Seuil :
- La Voie, 1982
- Un trajet vers l’essentiel, 2004

aux éditions du Cerf :
- Octone, roman, 1987

aux éditions l’Harmattan :
- Les Survivants, 2001 (rééd. Gallimard, 1974)

aux éd. Fayard-Mame :
- Construire un langage, 1963











1 Maurice Bellet a écrit des essais, des méditations, mais aussi des romans (y compris pour adolescents, dans sa jeunesse), des pièces de théâtre et même des scénarios de cinéma ! Il en a légué les manuscrits (comprenant d’innombrables inédits) à l’Université de Louvain en Belgique.

2 M. BELLET. L’extase de la vie. Desclée De Brouwer: Paris, 1995, p.10

3 M. BELLET. La fonction critique dans la certitude religieuse, Thèse pour le Doctorat ès lettres, présentée à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université de Paris, 1968.

4 M. BELLET. Théologie express. Desclée De Brouwer: Paris, 1980.

5 M. BELLET. Théologie express, p. 7.

6 C’est moi qui souligne. (NdA)

7 M. BELLET. Théologie express, p. 77.

8 M. BELLET. Critique de la raison sourde. Desclée De Brouwer: Paris, 1992, p. 40.

9 M. BELLET. Le Dieu sauvage. Pour une foi critique. Bayard: Paris, 2007, p. 15.

10 M. BELLET. Je ne suis pas venu apporter la paix… Essai sur la violence absolue. Albin Michel: Paris, 2009, pp. 25-26.

11 M. BELLET, M. L’avenir du communisme. Bayard: Paris, 2013, p.10.

12 M. BELLET. Christ. Desclée De Brouwer: Paris, 1990. Une nouvelle édition augmentée d’une relecture de Henri-Jérôme GAGEY est parue aux éditions Mame-Desclée en 2010. C’est de cette édition qu’est extraite la citation, p.210.

13 M. BELLET. Minuscule traité acide de spiritualité. Bayard: Paris, 2010 p.86. Ce petit recueil de “fléchettes”, comme les appelait Bellet, est une inépuisable source de réflexion critique à propos de ce qui fait ce que l’on pourrait appeler la “culture chrétienne” contemporaine…

14 M. BELLET. Christ, p. 210.

15 Maurice Bellet a repris ce verset comme titre d’un petit ouvrage d’une extrême densité (et néanmoins parfaitement accessible à un large public), paru en 2008 aux éditions Albin Michel.

16 M. BELLET. Naissance de Dieu. Desclée De Brouwer: Paris, 1975.

17 M. BELLET. Christ, p. 211.

18 M. BELLET. Le Messie crucifié, pp. 25-26.

19 M. BELLET. Le Dieu sauvage, p. 159.

20 M. BELLET. Le Messie crucifié, p. 28.

21 M. BELLET. Je ne suis pas venu apporter la paix…, p. 124.

22 M. BELLET. La traversée de l’en-bas. Bayard: Paris, 2005.

23 M. BELLET. La fonction critique dans la certitude religieuse, p. 7.

24 M. BELLET. La fonction critique dans la certitude religieuse, p. 7

25 M. BELLET. La fonction critique dans la certitude religieuse, p. 228.

26 M. BELLET. Le Dieu sauvage, p. 12.

27 M. BELLET. Le Dieu sauvage, p. 150.

28 M. BELLET. Le Dieu sauvage, p. 165.

29 Impossible ici de ne pas songer à cette phrase parmi les plus citées : “Qu’est-ce qui nous reste ? Qu’est-ce qui reste quand il ne reste rien ? Ceci : que nous soyons humains envers les humains, qu’entre nous demeure l’entre nous qui nous fait hommes.” Elle est à l’entame du petit livre que Maurice Bellet lui-même considérait comme le “coeur du coeur de son oeuvre : Incipit ou le commencement. Desclée De Brouwer: Paris, 1992.

30 M. BELLET. Incipit ou le commencement, p. 167.

31 M. BELLET. L’explosion de la religion. Bayard: Paris, 2014 – Un chemin sans chemin. Bayard: Paris, 2016.

32 M. BELLET. La quatrième hypothèse. Sur l’avenir du christianisme. Desclée De Brouwer: Paris, 2001.

33 Cette double modalité, bien observable aujourd’hui, Bellet l’a développée à de nombreuses reprises dans la suite, insistant sur le fait que “contestataires et traditionalistes”, en apparence opposés, se situaient en réalité sur le même terrain, celui d’un christianisme qui, sur le fond, ne bouleverse rien. C’est juste la forme qui change, dans un sens ou dans l’autre…

34 M. BELLET. La quatrième hypothèse, p. 17.

35 M. BELLET. La quatrième hypothèse, p. 18.

36 M. BELLET. La quatrième hypothèse, p. 25.

37 M. BELLET. Translation. Bayard: Paris, 2011, pp. 43-44.

38 M. BELLET. Translation, p. 45.

39 M. BELLET. Translation, pp. 50-51.

40 M. BELLET. Translation, p. 177.

41 M. BELLET. Translation, p. 252.







Licencia de Creative Commons