Palabra y Razón ISSN 2452-4646 versión en línea N° 15 Julio 2019 Universidad Católica del Maule Maurice Bellet: la fidélité créatrice Maurice Bellet: the creative loyalty Myriam
Tonus
Magister en Filología Romana myrtonus@gmail.com Fecha de recepción: 15-05-2019 Fecha de aceptación: 08-06-2019 Como citar este artículo: M. TONUS “Maurice Bellet: la fidélité créatrice” en Palabra y Razón. Revista de Teología, Filosofía y Ciencias de la Religión N°l5, Julio 2019, pp. 75-95 https://doi.org/10.29035/pyr.15.75 Resumen:
Este texto reconstruye la trayectoria teológica del teólogo
francés Maurice Bellet (1923-2018), en el cruce de la teologia, de la
filosofia y del psicoanálisis. Promotor de una teología que escucha las
Escrituras y las búsquedas de verdad y de sentido de los seres humanos,
Maurice Bellet fue uno de los teólogos más famoso de su generación.
Después de algunas consideraciones sobre la naturaleza del gesto
teológico de Bellet, la autora desarrolla tres temáticas centrales en
la obra de Bellet: la Palabra, la figura de Cristo, y la exigencia de
una fe critica.
Palabras claves: Evangelio, Palabra, escucha, humanidad, Cristo Abstract:
This text reconstructs the theological trajectory of the
French theologian Maurice Bellet (1923-2018), at the crossroads of
theology, philosophy and psychoanalysis. Promoter of a theology that
listens to the Scriptures and the quests for truth and meaning of human
beings, Maurice Bellet was one of the most famous theologians of his
generation. After some considerations on the nature of Bellet’s
theological gesture, the author develops three central themes in
Bellet’s work: the Word, the figure of Christ, and the requirement of a
critical faith.
Key Words: Gospel, Word, listening, humanity, Christ Une Parole inouïe : c’est ainsi que Maurice Bellet
parlait de
l’Évangile. Inouïe au sens familier du terme, c’est-à- dire tout à fait
extraordinaire. Inouïe aussi et surtout au sens étymologique, qui
renvoie à une chose que l’on n’a pas (encore) entendue, porteuse
d’avenir donc. L’adjectif pourrait convenir à l’oeuvre de ce théologien
majeur du 20e siècle. Soixante livres, d’innombrables articles et
conférences : couvrant un demi-siècle, l’oeuvre de Bellet, décédé en
avril 2018, est extraordinairement riche, multiforme, originale1. Mais
il se pourrait bien que cette parole – car c’en est une – qui a marqué
toutes les personnes qui l’ont entendue voie sa fécondité s’accroître
encore dans l’avenir. Fécondité posthume, qui est souvent l’apanage
paradoxal des créateurs authentiques.
1. Inclassable Docteur en philosophie et en théologie, Maurice Bellet n’était pas
psychanalyste au sens académique, bien que le titre fût toujours accolé
aux deux premiers. Ayant lui-même fait l’expérience analytique, il en
avait été profondément marqué et s’était formé à la pratique d’une
écoute toute entière offerte à la parole d’autrui, surtout lorsque
celle-ci dit la détresse et la douleur d’exister.
La bibliographie de Bellet reflète ce triple
enracinement, sans que
l’on puisse toujours déterminer avec précision la catégorie dont relève
tel ou tel livre. C’est que pour lui, philosophie, théologie et
psychanalyse n’étaient pas des “ disciplines“ - même s’il en maîtrisait
de haut vol les contenus. C’étaient bien davantage des sources, vitales
pour la pensée, irriguant en continu un travail de recherche et lui
conférant sa saveur singulière. Pour notre auteur, si la philosophie
est amour de la sagesse, il fallait bien que les principes de cette
sagesse, si abstraits fussent-ils, rencontrent et se confrontent au
plus concret de la vie humaine. Si la psychanalyse est théorie, il
était impensable qu’elle se cantonne fièrement dans ses propositions,
au mépris de la parole qu’elle entend, forcément étrangère. Si enfin la
théologie est science du divin, il fallait d’abord mettre à nu, sans
concession, ce que l’on entend par science et, plus encore, ce qu’il en
est de ce que l’on appelle Dieu.
Autrement dit, si ces trois champs ne sont plus
seulement considérés et
étudiés pour leur contenu mais bien comme (res)sources pour la pensée
et si la pensée est indissociable du vivre, alors peut-être comprend-on
mieux la raison pour laquelle Maurice Bellet était souvent qualifié
d’inclassable : qu’est-ce donc que cette théologie pétrie de
philosophie rationnelle, qui écoute les Écritures comme l’on écoute une
parole jusqu’en ses replis et non dits ? Qu’est-ce donc que cette
philosophie qui fait éclater de toutes parts les limites de la raison ?
Qu’est-ce enfin que cette psychanalyse qui, dans sa pratique,
privilégie à toute doctrine et école la parole en quête d’un sens
possible ?
Maurice Bellet n’avait que faire des catégorisations
commodes parce que
trop souvent elles prennent forme d’exclusives. Il aimait rappeler, non
sans quelque amertume, qu’à l’Institut catholique de Paris où il
enseignait, ses cours avaient été versés dans la section “ théologie
pratique “ - alors même que le contenu de sa thèse de doctorat “
frisait l’hermétisme “, selon le mot de Paul Ricoeur, membre de son
jury. On touche là à ce qui fut comme un mal-entendu permanent entre
une représentation habituelle de ce qu’est la théologie, dans le milieu
académique mais aussi pour une partie du public, et l’oeuvre singulière
d’un auteur qui, d’emblée, voulait penser “ sur le clavier le plus
large possible “.
2. Écoute et parole Pour tenter de lever ce malentendu, il peut être
utile d’opérer une
distinction première entre mot et parole : les deux termes ne sont pas
entièrement superposables. Les mots sont des supports linguistiques qui
permettent d’énoncer à peu près n’importe quoi : faits, sentiments,
théories, jugements… Le mot – ou signifiant – renvoie à un signifié,
que le récepteur du message comprend plus ou moins selon sa maîtrise du
code. La parole, elle, est dotée d’un attribut particulier : elle est
performante, c’est-à-dire qu’elle ne laisse pas indemne celui ou celle
qui la reçoit. Elle touche, d’une manière ou d’une autre, elle peut
blesser ou faire vivre. Dire : “je ne suis pas d’accord avec ta
position “ est une information ; dire : “ tu es idiot “ est une parole
meurtrière. Banalité. Qui l’est beaucoup moins lorsqu’on entre dans le
champ de la relation humaine et plus encore dans celui de la foi. On se
souviendra de ces versets du livre d’Esaïe (55,9-11) :
“De même que la pluie et la neige descendent des
cieux et n’y
retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l’avoir fécondée et
l’avoir fait germer pour fournir la semence au semeur et le pain à
manger, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne
revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu
et réalisé l’objet de sa mission”
S’il fallait absolument offrir un chemin d’accès à
la pensée et à
l’oeuvre de Maurice Bellet, c’est probablement de ce côté-là qu’on le
trouverait, expliquant du même coup le désarroi sincère de tant de
lectrices et lecteurs qui disent éprouver des difficultés de
compréhension à la lecture de ses livres, alors même qu’ils pressentent
que ceux-ci touchent à ce qui les importe au plus profond.
Maurice Bellet, je l’ai dit, a été transformé par
l’expérience
psychanalytique. Il y a découvert non seulement la possibilité de la
venue à la conscience de ce qui, jusque là, était enfoui sous des
strates familiales et/ou aussi religieuses, mais aussi et surtout le
processus grâce auquel cette mise au jour pouvait s’opérer. C’est la
présence d’une personne – l’analyste – dont l’écoute est absolument
sans jugement ni a priori, bienveillante, non intrusive, sécurisante
qui permet à la parole de l’analysant d’advenir comme malgré lui, parce
qu’elle n’est plus barrée, refoulée. Et c’est là, dans cette relation
asymétrique (l’un parle, l’autre écoute) que l’analysant peut, si tout
se passe bien, entendre, entendre vraiment ce qu’il dit – et ce qu’il
vit, qui souvent l’empêche de vivre vraiment. Parole et écoute : les
deux mouvements seront désormais indissociablement unis dans l’être de
Maurice Bellet qui ne cessera plus d’écouter et d’offrir, bien plus que
des mots, une parole pour la vie. : “L’écrit s’en va. S’il trouve des
lecteurs, mon voeu est qu’ils y entendent ce qui les éveillera à leur
propre parole”2.
Désormais, pour lui, philosophie, théologie et
psychanalyse ont un
horizon commun : permettre à l’être humain d’advenir au plein de son
humanité, au plein de sa vie, d’échapper à la destruction et au chaos
qui toujours menacent. Dès qu’il s’est mis à l’écoute des personnes qui
venaient déposer chez lui leur difficulté à vivre, ce qu’il a perçu –
comme tout bon thérapeute, sans doute – c’est une immense souffrance,
des vies littéralement empoisonnées, habitées par la tristesse et la
mort – par-delà souvent des apparences sociales tout à fait
respectables. Mais la spécificité de la plupart de ces récits, dont ne
s’embarrassent pas tous les psychanalystes, c’est que la religion, la
foi participaient directement, douloureusement à cette destruction. Qui
mieux que Maurice Bellet pouvait percevoir cela, lui qui avait connu au
cours de sa formation ce pervers travail de sape, produit par la
culpabilisation, le scrupule et la détestation de soi “ au nom de Dieu
“ qui est amour ? Il était inévitable qu’il écrive, en 1979, Le dieu
pervers, qui le fit connaître du grand public et qui au fil du temps
est devenu presque un concept dont on ignore qui, le premier, l’a
élaboré.
3. De la tête au coeur Cela aurait pu tourner au procès de la religion,
voire au rejet de la
foi.
S’il n’en fut rien, si Maurice Bellet demeura
jusqu’à sa mort prêtre
catholique, enraciné dans ce qu’il appelait la grande Tradition, c’est
parce qu’au moment même où il se mit à l’écoute de ses frères et soeurs
humains, il modifia radicalement son approche des Écritures. Si
celles-ci sont bien “ Parole de Dieu “, alors il faut les couter et les
entendre comme toute parole, c’est-à-dire non comme des informations
pieuses ou morales, mais bien comme parole inaugurale, à la manière de
ces dits qui, de l’Odyssée à la Baghavad-Gita et aux mythes amérindiens
(ou aux contes de fées pour les enfants), ouvrent des chemins de sens
pour l’̂être humain.
Entendons-nous bien : Maurice Bellet n’a jamais
réduit les Écritures à
des contes ou a des épopées légendaires. S’il n’était pas féru
d’exégèse, il insistait sur la radicale nouveauté qu’a introduite, dans
la lecture biblique, le travail de ces vaillants pionniers du 19e
siècle, preuves vivantes que la tradition n’est jamais figée et que ce
qui paraît scellé dans le marbre d’une doctrine intangible peut
toujours être, non pas aboli, mais dépassé – comme en science la
physique quantique ne rend pas risible celle de Newton sans laquelle
elle n’aurait jamais vu le jour. “ Avant d’être lue, ou commentée, ou
étudiée, la Bible doit être écoutée et entendue comme parole qui nous
est adressée “, disait Maurice Bellet qui commençait chacun de ses
temps de prière par l’invocation de Samuel : “ Parle, Seigneur, ton
serviteur écoute “.
Écouter la Bible dans l’attitude qui était celle de
Maurice Bellet,
qu’est-ce que cela signifie ? Je me contenterai ici d’en proposer trois
invariants – son oeuvre en offre bien davantage.
Tout d’abord, éteindre toute prétention au savoir.
L’écoute nue suppose
une forme de dessaisissement de soi, de vide consenti qui laisse toute
la place à ce qui peut venir. Attitude non de passivité, mais au
contraire d’attention extrême afin de percevoir, dans l’espace sans
limite ouvert par la Parole, le “ murmure de fin silence “, proprement
in-ouï, délié de tout ce qui, en amont, l’enferme dans le déjà là, le
rabâchage, le trop connu. Il se peut que l’on ne perçoive rien – rien
qui puisse se dire ou se réfléchir en tout cas. Ce n’est pas pour
autant qu’il ne se passe rien : l’ensemencement du coeur par la Parole
est parfaitement humble.
Un principe doit ensuite demeurer, qui garde du
découragement ou de
l’incompréhension qui peuvent saisir le croyant à l’écoute de certains
passages de l’Évangile : si celui-ci est parole, c’est une parole
bonne, heureuse annonce pour notre vie, encouragement à marcher. Si ce
que nous entendons nous plonge dans la culpabilisation ou la peur (ô
jugement dernier et damnation des pécheurs !), ce n’est pas que la
Parole s’est faite cruelle, c’est que nous n’entendons pas encore assez
loin, que nous restons enfermés dans un “ savoir “ gauchi, accablant,
héritage d’un passé pas si lointain. Ce que Maurice Bellet appelle le “
principe Évangile “ doit demeurer, envers et contre tout, l’axe d’une
foi d’autant plus exposée qu’elle ne se réclame de rien d’autre que de
la Parole qu’elle écoute.
Si l’on fait sienne cette attitude d’écoute très
humble, très nue,
alors derrière les mots et les faits relatés dans les évangiles peut se
dire quelque chose qui n’est plus un discours “ sur “ (sur Dieu, la
Trinité, le salut, etc.), qui n’est plus une explication, encore moins
une thèse – mais bien l’advenue d’une Parole qui touche au plus
essentiel de ce qui nous fait humain. La figure du crucifié, par
exemple, n’est plus d’abord rappel d’un événement passé, insoutenable
dans sa violence (surtout s’il est “ justifié “ par notre statut de
pécheurs !), engendrant culpabilité et/ou rejet. C’est, en toute
réalité, la figure de l’humain en laquelle se rejoignent le Ciel et la
Terre, tué par la violence de ceux “ qui ne savent ce qu’ils font “,
habité d’une puissance de vie et d’amour telle que même la mort ne peut
l’engloutir (je développerai ce thème un peu plus loin). Mais n’est-ce
pas ce que dit la théologie la plus traditionnelle ? Certes. Mais dans
l’écoute qui est celle de Maurice Bellet, il ne s’agit plus de se
référer au passé pour essayer de (sup)porter le moment présent, mais
bien de se laisser habiter par ce qui advient – Christ à venir, ainsi
qu’il le nommait – qui transforme nos propres morts présentes en
passages. La question n’est plus de savoir s’il existe une autre vie
après la mort, mais bien de se laisser convertir à une vie radicalement
autre dès maintenant.
L’écoute des Écritures opère ce trajet de la tête au
coeur sans lequel
la foi risque toujours de s’enclore en des croyances portées par des
rites et des dogmes. Si l’intelligence et la raison peuvent – et
doivent, selon Bellet – être parties prenantes de l’acte de foi, ce
n’est pas pour en délimiter le territoire, mais au contraire pour s’en
trouver elles-mêmes agrandies.
4. Sortir des impasses Une lecture chronologique des livres de Maurice
Bellet en est une
éclatante démonstration, dans leur forme en tout cas. De la dense et
difficile thèse de doctorat3 au Messie crucifié. Scandale et folie
(dernier livre édité quelques mois après sa mort), on assiste au
passage d’une expression théologique que l’on pourrait qualifier de
traditionnelle (exposé, argumentation) à un langage que d’aucuns
qualifieront de mystique, devenu lui-même parole partagée. Tout se
passe comme si le vide consenti pour l’écoute de la Parole s’emplissait
de ce qui est perçu. C’est d’ailleurs ce que disait Bellet : “ Je ne
suis qu’un porte-parole. Je ne fais qu’écrire ce que j’entends dans ces
textes mille fois abordés et toujours neufs “. Humilité non feinte de
la part d’un homme qui s’éberluait lui-même de ce qu’il avait écrit : “
C’est vraiment moi qui ai dit cela ? “, disait-il lorsqu’une personne
lui témoignait du bien que lui avait fait tel ou tel ouvrage. Il
ajoutait parfois : “ Je ne suis qu’un vieux robinet rouillé. Le
miracle, c’est qu’un peu d’eau pure puisse en sortir… “
Oui, la théologie de Maurice Bellet a très tôt passé
outre les espaces
doctement identifiés comme tels – la “ théologie théologienne “, comme
il la nomme dans le très décapant Théologie express4. Il s’en explique
: “Ce que nous voulons est la science. Quand donc y a-t-il science ?
Quand les présupposés sont reconnus en leurs limites, quand à la
rigidité doctrinaire succède la plasticité des modèles, quand
l’expérience juge la théorie, quand la pensée critique l’expérience,
quand tout peut être interrogé, y compris la position du sujet
connaissant et l’idée qu’il se fait de la science”5. Ce que Bellet
dénonce en la théologie théologienne, c’est donc essentiellement
qu’elle se clôt sur elle-même, sûre de ses axiomes (qu’elle considère
d’ailleurs bien plus comme des “vérités”), refoulant toute critique, si
sûre d’elle qu’elle fait de Dieu un objet, au point parfois d’en
occuper la place. “S’interroger sur la théologie est un exercice propre
à défaire en nous ce qui, dans notre désir de penser Dieu, est obstacle
; en sorte que c’est bien toujours de Dieu même qu’il s’agit, non point
par un discours, mais par un travail que nous nous faisons en nous6
pour qu’il soit un peu plus, pour nous, lui-même”7.
Avec cohérence, ce refus de se tenir en surplomb,
Maurice Bellet le
voulait également pour la philosophie. “La pensée dans la structure du
Cogito se retire du corps. Bien entendu, elle peut penser sur le corps
; c’est même tout à fait à la mode. Mais elle ne pense pas
corporellement. Que peut être le corps pensant ? Faut-il aller chercher
du côté du geste, de l’amour chair à chair, du rire, de l’art ? Je
n’ose dire : du symbole, tant ce mot-là mélange tout. Mais enfin, ce
serait “quelque chose comme” une pensée où ne serait pas au principe la
séparation de la pensée ; une pensée rêvant, marchant, mangeant,
caressant, nourrissant ; une pensée de la bouche, de l’oreille, des
yeux, du ventre, des seins, du membre donneur de vie, du jardin secret
qui le reçoit, des pieds et des mains ! Je crains bien d’être
inintelligible: signe de la distance, apparemment irréparable, où nous
sommes d’une telle pensée “8. Comment prétendre après cela que le
langage de Maurice Bellet est celui, abstrait, d’un intellectuel loin
des réalités quotidiennes… Pour sortir de l’impasse où mène une pensée
de l’alternative, il proposait trois renoncements : penser sans thèse,
c’est-à-dire hors de l’ambiance du procès et de la querelle, comme un
possible parmi d’autres ; penser sans thème, c’est-à-dire dans un
espace où rien n’est d’avance déterminé par tel ou tel objet ; penser
sans mode, en-deçà du doute de l’interrogation elle-même, qui sont au
fondement du Cogito. Cela ne signifie pas pour autant consentir à la
confusion. Pour Bellet, il s’agit de dégager la pensée et la parole des
impasses où elles se trouvent et de leur offrir l’espace le plus large
possible. D’oser s’aventurer “là où il n’y a plus de cartes parce qu’on
est dans le Far West” – belle image pour un homme qui, bien qu’un
magazine le comptât parmi Les sept patriarches de la pensée chrétienne
du 20e siècle, garda jusqu’à la veille de sa mort, un coeur et une
volonté de pionnier.
La difficulté rencontrée par certains lecteurs tient
sans doute
précisément à son refus, qui alla s’accentuant, d’une pensée purement
cartésienne, rationnelle, ordonnée. L’un de ses amis, sinologue athée
avec qui il avait plaisir d’échanger, estimait que la pensée de Bellet
avait quelque familiarité avec la pensée et la langue chinoises –
lesquelles ignorent l’exclusive : ou ceci, ou cela. Cela enchantait
notre théologien, qui découvrait ainsi qu’il est des humains qui
pensent ainsi que lui-même avait l’habitude de le faire, préférant
toujours le “et”, tentant de la sorte de rendre compte de
l’inextricable complexité de l’humain – et de Dieu dont l’humain, à
dire vrai, ne sait rien. A la fin de sa vie, il projetait d’écrire un
livre qui aurait été, presque 40 années plus tard, comme un déploiement
de Théologie express et qu’il intitulait déjà Théologie axiomatique. Un
chapitre devait être consacré à la trilogie Si – Et – Ou. Le premier
terme indique que toute pensée – et la théologie en particulier – doit
mettre au jour et préciser ses axiomes. Le second renvoie à cette
volonté de penser par associations plutôt que par exclusions. Le
troisième, enfin, s’il est bien signe d’un choix, évoque l’enjeu,
absolument crucial et inévitable, de la pensée ; ces situations où l’on
ne peut que dire oui ou non, consentir ou refuser absolument, où il est
devenu impossible de demeurer en surplomb.
5. Indispensable axial Sans doute est-ce parce qu’il y avait été durement
confronté à un
moment de sa vie, et certainement parce qu’ils se disaient dans les
paroles des personnes qu’il écoutait : le chaos et la destruction (deux
figures d’une même menace) occupent une place importante dans l’oeuvre
de Maurice Bellet. Trop importante, diront les esprits qui prétendent
cultiver l’optimisme au prix de la lucidité. “Ouvrez le journal,
regardez la télé et osez dire que le mal et la violence n’existent pas
!”, répétait le théologien qui avait été particulièrement marqué par
les horreurs de la seconde guerre mondiale.
Pour pouvoir vivre, humainement vivre, tout homme,
toute femme, toute
société a besoin d’un ordre premier, qui précède toute organisation
familiale ou politique et sépare du chaos. “C’est pour chacun ce qui le
sépare du crime, de la folie, de l’anéantissement ”9. Cet ordre repose
sur trois impératifs : les limites qui préservent de la folie, de
l’inhumain, du mal, du faux, etc. ; les répartitions qui organisent
l’ordre en donnant sa place à chaque être humain au sein d’un ensemble
relationnel où il peut exister comme humain (par exemple hommes et
femmes, parents et enfants, les vivants et les morts...) ; ce qui
assure la force et l’autorité de ces limites et les justifie : l’axial
(ou fonction première), le “ce-sans-quoi” (terme cher à Bellet !)
tout se défait et tombe dans le chaos si les limites cèdent. Nombre de
parents et pédagogues souscriront à cette proposition. Le récit de la
Genèse, si vraiment on l’écoute, ne dit pas autre chose.
Or, relève Maurice Bellet, pendant des siècles,
c’est la religion qui a
largement assuré la fonction première, celle de l’axial. C’est autour
d’elle comme autour d’un essieu que s’ordonnait la vie humaine, de la
naissance à la mort, à elle que se référait le pouvoir politique, à
partir d’elle que se structurait la pensée – dans le principe, du
moins. La foi et la religion connaissent, dans nos pays occidentaux, un
effacement croissant. Dans le même temps, les progrès fulgurants et
multiples de la technoscience font voler en éclats les limites et les
répartitions : le transhumanisme en est la projection la plus
marquante. Remarquons que Bellet n’a jamais établi de lien de causalité
entre l’érosion de la foi et cette explosion qui semble devenue la
figure majeure de nos sociétés. Si l’état de notre monde l’inquiétait
au plus haut point, s’il voyait se profiler toujours plus distinctement
le spectre inquiétant du chaos, c’était parce que ce qui avait pris, à
son estime, la succession de la religion, assurant un nouvel ordre
moins évident mais tout à fait redoutable, c’est l’économie de marché.
Un ordre dont la violence, à ses yeux, pouvait tristement rivaliser
avec les pouvoirs les plus féroces qui ont, au cours de l’histoire
humaine passée et récente, apporté mort et destruction. “ Cette
violence ne se borne pas à tuer par intérêt, par peur, par excès
d’agressivité ; elle cherche à tuer l’humain en l’homme, à défaire
l’autre, à l’avilir ; pas seulement à l’exploiter, pas seulement à
l’exclure, mais à l’éradiquer. Elle apparaît comme le mal humain par
excellence ; et qui s’y trouve pris non seulement détruit autrui mais
se détruit lui-même ”10. Echo de la phrase évangélique : Ne craignez
pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme; craignez
plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne ”.
(Mt 10,28).
Dans un petit livre sans concession écrit cinq ans
avant sa mort,
Maurice Bellet brosse un tableau de nos sociétés particulièrement
inquiétant, que ne démentent hélas pas les évolutions récentes. Mais il
avait soin de préciser, à l’entame de l’ouvrage, que “l’espoir n’a de
rigueur qu’à s’affronter aux forces meurtrières qui veulent sa mort. Le
faux espoir préfère l’arrangement, le traitement doux, le diagnostic
rassurant ou pas de diagnostic du tout ; on prolonge, on se rassure. Ou
bien l’on s’en tient à des analyses devenues dogmes, au lieu de risquer
la pensée jusqu’à ce qui paraît d’abord impensable. C’est là un
pessimisme de fond, car l’on refuse précisément d’aller au fond des
choses, où l’on s’imagine impuissant. La dureté ou l’apparent
extrémisme de ce qui suit est en vérité le fait d’une espérance qui ne
se résigne à rien de ce qui meurtrit, avilit, détruit les humains.
C’est ainsi qu’il faut l’entendre : non comme un constat sinistre, mais
comme l’ouverture d’un chantier immense où tout nous sera possible de
ce que nous avons tendance à abandonner au destin ”11.
Maurice Bellet, à l’écoute des humains et de leur
souffrance, à
l’écoute du monde aussi et de ses délires, avait coutume de rappeler –
à lui-même et à qui le sollicitait – : “l’ennemi, c’est la tristesse”,
qui est une forme de complaisance avec ce qui détruit. À quoi il
opposait sans relâche et avec une volonté sans faille ce choix de vivre
et de travailler pour défaire toute forme de destruction. Attitude,
dira-t-on, qui n’est pas l’apanage du croyant. Sans aucun doute. Mais
s’agissant de Bellet, on peut affirmer sans incertitude non plus que
l’écoute des Écritures qui nourrissait sa foi était son appui, sa
force, sa source vive.
6. Au commencement, la Parole Aimer et servir les êtres humains, aimer et servir
Dieu étaient en
effet pour lui une seule et même chose, impossibles non seulement à
séparer, mais même à distinguer. Ce qui le plaçait en écart, une fois
encore, par rapport à une théologie classique, qui aime à établir des
classements, des champs de réflexion et d’action, distinguant
soigneusement les théologies fondamentale, morale et pastorale – cette
dernière opérant seule le lien entre la réflexion et ses implications
pratiques auprès du peuple de Dieu… Je l’ai dit déjà : ce
compartimentage était étranger à Maurice Bellet, qui tout à la fois
pouvait explorer les “abysses vertigineux” (selon ses mots) de la quête
de Dieu et donner chair à la Parole évangélique jusqu’en l’acte le plus
humble. Et c’était non par raisonnable volonté, mais bien par pure
cohérence, tellement évidente qu’il ne jugeait même pas utile de
l’expliciter. Chemin de vie reprenant toutes les dimensions de l’être
humain – tel qu’il se dessinait pour lui dans les textes du Nouveau
testament. “Il n’y a pas, il n’y aura pas d’un côté une théologie, et
de l’autre une anthropologie où l’homme est clos en soi et posé en
objet de savoir, et où Dieu, le divin, le religieux, etc. sont un
chapitre de ce savoir objectif. La pensée “christique” n’est pas prise
dans cette coupure ”12.
Impossible, dans les limites de ces pages, de rendre
compte de la
richesse et de la profondeur de la parole théologique de Maurice Bellet
– si tant est que l’on puisse la qualifier ainsi, puisque chez lui,
toute parole renvoie, in fine, à la source qui l’inspire. Cette pensée
est complexe au sens fort parce que précisément elle ne pose aucune
exclusive, mais cherche à avancer dans d’infinies intrications
relatives aussi bien à ce qu’il en est de “Dieu” que de ce qui fait
l’humanité des humains. C’est pourquoi je proposerai ici trois thèmes
présents tout au long de l’oeuvre de Maurice Bellet, suffisamment
larges pour couvrir de multiples aspects de son oeuvre que le lecteur
intéressé pourra ensuite approfondir.
Le premier de ces thèmes est celui de la Parole.
A l’écoute simultanée des personnes et des
Écritures, cette forme
d’écoute reçue de l’expérience psychanalytique, Maurice Bellet a perçu
d’emblée ce qui n’est souvent que proposé de manière théorique, à
savoir que la Parole inspirée s’adresse à des personnes, qu’elle peut
être (ou non) reçue, qu’elle transforme celui, celle qui l’accueille
dans tout son être. Ce qui peut paraître banale évidence catéchétique
ne l’est plus du tout lorsqu’on prend au sérieux la parole et la vie
des êtres humains, y compris parmi les croyants, habitées par la
détresse jusqu’à la faute d’exister parfois : “il aurait mieux valu que
je ne sois pas…”
“Dieu nous aime, mais personne ne le croit !” :
cette boutade, dans la
bouche de Maurice Bellet, avait longue portée, car elle place dans une
lumière crue une réalité bien observable – à savoir que l’Évangile
bonne nouvelle, heureuse annonce de bonheur et de vie ne semble pas
bouleverser concrètement la multitude d’hommes et de femmes qui
professent par ailleurs leur foi au Christ porteur de cette Parole.
Autre boutade à longue portée : “Certains, et certainement par bonnes
raisons, ont mis les grandes vérités au congélateur pour qu’elles ne
pourrissent pas. Elles se sont conservées, mais elles sont immangeables
”13. Il est vrai, remarquait Bellet, qu’au fil des siècles, la Parole a
été recouverte de multiples couches de scories et de déformations
(moralisantes, particulièrement), qui ont fini par la rendre inaudible,
voire incompréhensible. A force aussi d’être répétée, rebâchée jusqu’à
l’usure dans des formes figées, elle a (en apparence) perdu sa force de
conversion qui est metanoïa, retournement de tout l’être saisi par une
puissance de vie qui lui donne place et joie d’exister.
C’est précisément cette puissance in-ouïe de la
Parole que Maurice
Bellet va s’efforcer de faire passer à travers ses livres. Puissance de
vie, parole inaugurale qui dit à l’être humain qu’il est bon qu’il
existe, quelle que soient les misères de son histoire. La Parole est
toute entière agapè, ce mot que Maurice Bellet préférait à tous les
autres, tant il estimait que les termes amour et, surtout, charité
étaient équivoques, compromis, susceptibles de dire le meilleur comme
le pire. “Ὸ θεὸς ἀγαπη ἐστἰν”, Dieu est amour : cette désignation
extraordinaire de Dieu par l’évangéliste Jean (1Jn 4,8), était pour le
théologien le coeur rayonnant de l’Évangile, “haute et humble
tendresse”, précédant toute existence et la justifiant
inconditionnellement, présence expérimentée déjà dans toutes les formes
de présence humaine qui sont relation, soin, désir que l’autre vive : “
Dieu en nous est en la part d’amour que nous vivons. Il y a une
équivalence rigoureuse, incroyablement rigoureuse, entre être tourné
ver Dieu et se faire le proche de tout homme ”14. Dieu est amour : ce
sont aussi parmi les tout derniers mots qu’il prononça (en grec !)
avant de mourir. Son autre point d’appui était le verset de
l’évangéliste Luc (19,10) : “ Le Fils de l’homme est venu chercher et
sauver ce qui était perdu ”, horizon de l’agapè.
De la sorte, presque toute l’oeuvre de Maurice
Bellet peut être lue
comme la recherche, sans cesse reprise et approfondie, du sens de ces
paroles qui sont non seulement annonce de salut pour l’être humain,
mais aussi, d’un certain point de vue, tout ce que l’on peut dire de
Dieu, puisque “Dieu, personne ne l’a jamais vu” (Jn 1,18)15. A celui ou
celle qui souhaiterait explorer les racines de la foi, l’on ne peut que
conseiller la lecture du monumental ouvrage Naissance de Dieu16,
véritable somme qui continue d’inspirer, à leurs dires, certains
théologiens…
Fil d’Ariane pour cheminer dans la pensée d’un
auteur toujours en
chemin, la Parole qui est agapè a offert, offre encore à de très
nombreuses personnes – lecteurs ou visiteurs – une libération et un
souffle qui, du même coup, rendent à cette Parole une “vérité” à
laquelle peuvent adhérer non seulement la raison, mais le aussi le
coeur et la chair. En ce sens, elles sont nombreuses aussi à témoigner
les personnes qui, à l’instar du journaliste Jean-Claude Guillebaud qui
était son ami, témoignemt combien la rencontre de l’oeuvre et de la
personne de Maurice Bellet les ont ramenées dans un espace chrétien
dont elles s’étaient éloignées. On comprend peut-être mieux pourquoi il
ne pouvait formuler autrement ce qu’il entendait dans cette Parole
adressée : plus l’on s’approche de l’indicible, plus les mots manquent.
L’écriture ne peut que se faire elle-même poème, comme en témoigne
l’ultime ouvrage publié : Le Messie crucifié. Scandale et folie.
7. Premier-né d’une humanité nouvelle Second thème majeur dans l’oeuvre théologique de
Maurice Bellet : la
figure du Christ. Deux ouvrages lui sont explicitement consacrés :
Christ et Scandale et folie, déjà cité. Mais la figure christique est
également centrale dans Le Dieu pervers, qui met au jour les
différentes figures auxquelles on peut réduire le Christ, aboutissant à
sa… défiguration ; dans Je ne suis pas venu apporter la paix. Essai sur
la violence absolue qui propose de l’aborder comme Freud le fit avec
OEdipe, c’est-à-dire en essayant d’entendre le récit profond qui se dit
à travers la vie et la mort de l’homme Jésus. Maurice Bellet aimait à
préciser la place des deux noms : Jésus et Christ, en rappelant non
sans humour que Christ n’était pas le nom de famille de “Monsieur
Jésus” et que le “Je” du Christ que nous ont livré les évangiles n’est
pas celui d’un individu dont sont tellement férus aujourd’hui certains
chrétiens épris d’historicité, mais un “Je” infiniment plus vaste et
plus profond, qui renvoie non seulement au Je suis du buisson ardent,
mais aussi au je qui, par-delà l’étroitesse de l’ego, est le soi qui
signe en tout être son humanité vraie et unique.
Pour Bellet, Christ est au principe. “Non pas objet
ou individu, non
pas Jésus historique ou idée de Dieu révélée. Est-ce à dire que je
condamne qu’on puisse l’envisager de ces façons-là ? Pas du tout. Mais
j’ai cherché ce qui était premier, l’entrée. Et il m’a semblé que
l’entrée du Christ était l’entrée tout court, l’entrée de nos vies
possibles et d’un réel habitable17. Disant cela, le théologien donne à
la figure christique une signification beaucoup plus vaste que celle du
“maître de sagesse” à laquelle beaucoup de croyants la réduisent
aujourd’hui. On pourrait dire que toute la méditation de Maurice Bellet
sur Jésus Christ est la plongée dans le dogme de son unique nature, à
la fois entièrement humain et entièrement divin. Cette rencontre du
Ciel et de la Terre défie toute raison, jusqu’à devenir totalement
insoluble si elle ne concerne que l’individu Jésus. Mais pour Bellet ,
la figure de Jésus Christ, “c’est l’homme. Non pas l’homme en général,
mais cet homme-là, celui-là, en sa chair et son sang, et en son Esprit.
Il est l’Envoyé et il est l’Émergence. Envoyé, c’est-à-dire qu’il
vient. Il n’est pas dans le déjà-là, car il n’est pour nous qu’advenant
– du même coup, émergence Dans le long chemin de l’évolution des
vivants, il apparaît comme une mutation de l’humain. […] il est qui il
est, c’est-à-dire l’humanité, c’est-à-dire nous, c’est-à-dire chacun de
nous”18.
Pensée audacieuse ? Pas plus, au fond, que celle de
St Irénée de Lyon
dans son fameux Deus homo factus est ut homo fieret Deus” : Dieu s’est
fait humain afin que l’humain devienne Dieu. Maurice Bellet était, je
l’ai déjà indiqué, d’une fidélité absolue envers “la grande Tradition”
dont il aimait relire les textes, y puisant cette audace qui s’était,
disait-il, perdue et affadie au fil des siècles dans une sorte de
paresse théologique. Ce n’était pas à proprement parler, pour lui, un
retour aux sources, mais plutôt le désir de déblayer cette source pour
qu’elle se donne à entendre aujourd’hui, dans sa radicale nouveauté,
pour les humains du 21e siècle. Qu’elle redevienne pleinement heureuse
annonce par-delà tous les malheurs qui l’ont pervertie. “Quelle
situation ! Le ‘contenu’ de la foi paraît plus incroyable qu’aux
incroyants eux-mêmes, à cause de l’intensité qu’on y porte ; et cette
intensité est plus grande que jamais puisque c’est celle d’une Parole
qui porte, avec une force devenue absolue, ce que j’ai nommé
différential, c’est-à-dire l’émergence d’une humanité vive par-delà les
puissances de mort ”19.
Si, pour Bellet, la mise à mort de Jésus qui fait de
lui “le Crucifié”
est centrale, ce n’est certes pas en raison de son aspect douloureux,
voire doloriste – l’auteur du Dieu pervers avait pu toucher de près les
destructions et culpabilisations engendrées par un culte de la croix et
une vision du “rachat” aux limites de l’insoutenable. Dans la figure du
Crucifié, au contraire, Bellet voit le moment où “toute l’horreur
humaine est surmontée dans le lieu même où elle s’exerce. Elle est
traversée d’un jet de lumière où ce qui détruit toute foi, toute
raison, toute sagesse, s’efface devant la toute-puissance de ce qui se
donne à nous, dans l’émotion d’amour où paraît l’Autre loin de tout ce
qui fait le train habituel du monde ”20. Autrement dit, Jésus Christ
mort et relevé est comme la genèse de tout passage à travers la ténèbre
de la mort. Habité du Souffle de Dieu qui est agapè sans limites, le
Crucifié est celui “qui est le lien, le pouvoir-être, le par-delà la
Violence, le Logos de vérité, Logos devenu chair, capable d’ôter en
toute raison ou sagesse l’oeuvre du virus de mort. C’est comme un
implosion qui se produit en ce lieu-là […] qui reprend à la violence
tout ce qu’elle confisquait ”21. La traversée de la mort par Jésus
Christ est le paradigme de toutes les traversées qu’un humain doit déjà
affronter en sa vie, y compris ces “traversées de l’en bas”22 qui
touchent aux détresses extrêmes et ont figure de mort. Si l’agapè peut,
sans se renier ni se limiter, opérer ce passage qui ouvre sur la Vie,
alors tout ce qui, en la vie humaine, est éclairé, même humblement, par
l’agapè, cet entre-nous qui nous fait humains, a portée de naissance à
une vie nouvelle, définitivement délivrée de la destruction.
Esquisser en quelques lignes, comme je le fais, la
pensée de Maurice
Bellet à propos du Christ ne fait pas droit à sa profondeur ni à son
déploiement immense. Mais cela indique qu’on y trouve l’expression
singulièrement innovante d’une christologie qui concerne au premier
chef… l’être humain, bouleversant les vénérables schémas et rendant du
même coup présente en la chair ce que la Tradition appelle la Promesse,
le Salut, la Résurrection. Même en ces espaces de haute pensée, Bellet
demeure arrimé à l’humanité ; s’il cherche et avance, c’est à la
manière d’un éclaireur : pour que d’autres trouvent ou retrouvent
chemin sous leurs pas.
8. L’effet boomerang Le troisième thème récurrent chez Maurice Bellet est
celui de la “foi
critique.
Foi et critique, il le rappela souvent, n’ont pas
toujours fait bon
ménage et nombreux furent les intellectuels qui, au sein même de
l’Église, eurent à souffrir de vouloir concilier leur foi et leurs
recherches. Bellet mettait souvent en évidence le travail des exégètes
qui, au moment où les sciences humaines (notamment l’histoire et la
linguistique) prenaient leur essor à la fin du 19e siècle, menèrent
dans l’ombre et les difficultés un travail qui allait bouleverser la
lecture des Écritures. A cette époque, la foi était critique… au sens
négatif, c’est-à-dire qu’elle était le lieu de mises en jugement et de
condamnations des réalités du monde. En retour, elle fut la cible toute
désignée d’innombrables et virulentes critiques venant de ce monde.
Dans sa thèse de doctorat soutenue en 1968 – La
fonction critique dans
la certitude religieuse – Maurice Bellet indique l’impasse de ce
dilemme : “Que peut signifier la critique prise résolument au sérieux ?
Ou bien sa fonction ressemble, qu’on nous passe l’expression, au cheval
de Troie ; elle introduit dans la certitude le principe de sa fin, ou
d’une mutation telle que la foi même y changera profondément de sens,
et deviendra, par exemple, une philosophie ou une sagesse
post-chrétienne. Ou bien au nom de la certitude religieuse et de son
autorité ultime, on réservera plus ou moins consciemment un domaine
sacré, où la critique sera tenue à distance. Bref, ou bien l’on
s’interroge, ou bien l’on croit : de toute façon, l’activité critique
en la certitude religieuse est un échec ”23.
On ne peut être que confondu devant l’actualité de
ce constat posé il y
a un demi-siècle. Stupéfait aussi de ce que, dans cet exercice
philosophique de haut vol se trouve en germe un vaste pan de ce qui
sera ensuite la réflexion proprement théologique de Maurice Bellet
avec, déjà, la conviction affirmée “que ce dilemme n’est pas
inévitable, qu’on peut travailler à le transformer en une tension
féconde, et pour la certitude religieuse, et pour la réflexion
philosophique elle-même ”24. C’est ainsi qu’au terme d’une complexe et
austère réflexion philosophique, l’auteur de la thèse, reprenant le
traditionnel passage de la lettre à l’Esprit, ose écrire : “La
naissance de l’Esprit ne paraît plus ici dégagement rationnel de
l’intelligible, mais l’annonce, en un sens imprévisible, d’une
nouveauté absolue et tranchante, le commencement de Dieu en l’homme
”25. Comme si, d’emblée, Bellet avait identifié ou plutôt pressenti son
point de départ. Dès ses premiers livres, ensuite, il se confirma qu’il
avait entamé une marche qui ne s’arrêterait qu’avec sa mort.
Le thème du lien entre foi et raison, foi et
critique va
progressivement se cristalliser en un de ces retournements dont notre
auteur avait le secret. En 2007, en effet, il écrit un livre qu’il
souhaitait intituler la foi critique – et qui devint, par obscure
raison de sa maison d’édition, Le Dieu sauvage, sous-titré tout de même
“Pour une foi critique”. Le motif qui préside à l’écriture de cet
ouvrage est le constat qu’à bien des égards, notre société moderne
répète de vieux schémas opposant critique et croyance, mais sous
d’autres formes, en une sorte d’épuisement stérile. L’hypothèse de
Bellet est à la fois simple et percutante: “il y a, il peut y avoir, au
coeur de ce qui apparaît comme croyance, une instance critique d’une
radicalité absolue parce qu’elle correspond aux toutes premières
nécessités humaines, proprement humaines”26.
A partir de ce qu’il appelle le “récit-Christ”,
Bellet déploie la
signification possible de la vie et de la mort et de la résurrection de
Jésus, déjà évoquées : le Christ est l’humanité où s’opère la rencontre
avec le Ciel, sans que le Ciel en soit réduit. Du coup, “le
‘religieux’, tel du moins que l’a conçu la modernité, est décidément
trop étroit, voire même, et déjà du seul fait de son étroitesse,
équivoque ou suspect ”27. Le christianisme risque de devenir un système
ou une idéologie (tous les -ismes !) qui a perdu, à force d’évidences,
la folie dont parle Paul. La foi critique, c’est l’épreuve de sa propre
crise (et non plus dénonciation du monde) ; c’est ce discernement, ce
jugement (sens du mot krisis en grec) qui s’exercent en retour, tel un
boomerang, dès lors que la puissance de Vie qui est au coeur de la
Parole place dans sa lumière ce qui était enclos dans la sécurité des
formules et des rites. Ce peut être alors effondrement du chemin. “Non
pas l’absence de Dieu, mais sa décomposition, une odeur de cadavre ”28.
Ce qui demeure alors, indéfectiblement, “ce qui reste (si l’on ose dire
!)29 et de Dieu et du Christ et de la résurrection, c’est cet amour
entre nous, cet agapè, cette haute et humble tendresse dont Jésus
disait que c’est par elle qu’on reconnaîtrait ses disciples. Ne voient
là réduction à l’humain – et perte de Dieu –, de l’horizontal opposé au
vertical, que ceux qui ne comprennent pas du tout ce qui est le coeur
de l’Évangile : que précisément Dieu parmi nous est cet amour entre
nous, et que le noeud et le lieu de cette identité est celui qui en
témoigne à plein, inaugurant le nouvel âge, toujours nouveau : Jésus
Christ Seigneur ”30.
La foi critique, c’est l’Explosion de la religion,
c’est Le chemin sans
chemin, titres de deux des derniers ouvrages de Maurice Bellet31. Non
pas, ainsi qu’il le souligne, perte de la foi, mais au contraire
purification extrême des représentations et des croyances qui
paraissaient évidentes. Pas question, pour autant, de porter le moindre
jugement sur les croyantes et croyants qui s’y trouvent bien ;
simplement, Bellet rejoint ici l’expérience de tant d’autres, si
nombreux, pour qui les chemins tout tracés sont devenus impraticables.
Il observait dans le même temps l’espèce d’inconscience diffuse dans le
monde catholique, ce processus (distinct de l’inconscient) qui fait que
ce qui devrait normalement être perçu est occulté parce que trop
difficile à affronter. L’ouvrage qu’il était en train de rédiger au
moment de sa mort s’intitulait Les dérives de l’inconscience : il y
évoquait ce mécanisme à l’oeuvre dans notre société d’évidences… mais
aussi dans l’Église.
9. Passer ailleurs pour tout sauver C’est encore et déjà le principe de la foi critique
qui portait, il y a
près de 20 ans déjà, la réflexion du théologien dans La quatrième
hypothèse. Sur l’avenir du christianisme32 : ou bien le christianisme
disparaît et avec lui, le Christ de la foi ; ou bien il se dissout dans
une espèce de sagesse humaniste réduite à des “valeurs chrétiennes” ;
ou encore il continue, soit en se rigidifiant et par retour à des
modalités anciennes, soit en tentant de s’accommoder au crédible
disponible actuel33. La quatrième hypothèse, “c’est qu’il y a bien
quelque chose qui finit, inexorablement; et c’est précisément ce
système religieux, lié en fait à l’âge moderne d’Occident et beaucoup
plus dépendant de lui qu’il ne l’imagine. […] Quelque chose meurt: et
nous ne savons pas jusqu’où cette mort descend en nous. […] Quelque
chose s’annonce, et nous ne savons ce que ce sera. Mais c’est comme si
nous étions sur la ligne de départ, à l’orée d’un nouvel âge d’humanité
”34.
On ne le dira jamais assez : Maurice Bellet a
conservé toute sa vie,
par rapport à la Tradition chrétienne et par rapport à l’ Église, une
fidélité sans retour. C’est précisément cette fidélité portée par
l’amour de la Parole qui le motivait à pousser à fond la critique (au
sens de discernement évoqué plus haut). Réformer l’institution ou
tenter de dire la Parole à travers de nouveaux langages ne
l’intéressait pas du tout car il considérait que ce sont là des
questions paradoxalement dépassées, au regard du formidable enjeu qui
est rien de moins que l’abandon des humains, livrés aux forces de
destruction : “Si l’Évangile devient silence au lieu même de
l’Évangile, alors tout le reste est vain ”35.
Ce qui était devenu pour lui l’urgence absolue,
“c’est la découverte,
c’est l’invention aujourd’hui (avec tous les risque de l’invention) de
ce qui a paru avec le Christ et ne peut resurgir que par ses relations
constitutives, dans la situation actuelle ”36. Il s’agit, en quelque
sorte, de rééditer l’acte de Jésus Christ : profondément enraciné dans
sa tradition de foi, il en dénonce avec force les perversions et
impasses, non en abolissant la loi, mais en la portant à un point de
perfection proprement subversif. Il ne veut pas créer une nouvelle
religion, contrairement à ce qu’on prétend trop facilement chez les
chrétiens, insistait Bellet, mais bien libérer et déployer
définitivement le Souffle perceptible notamment chez les prophètes.
Cette exténuation contemporaine de la religion
appelle, disait-il, un
travail de fidélité, laquelle n’a rien à voir avec la répétition. La
fidélité, à l’exemple de ce que fit Paul, c’est de reproduire un
processus dans des circonstances différentes : que signifie
aujourd’hui, pour nous qui ne vivons plus dans le monde antique, la
question des viandes sacrifiées aux idoles ou celle du martyre ?
Estimer que ces questions sont devenues obsolètes, c’est aller vite en
besogne et les éliminer à l’aune de nos seuls critères. Il en va de
même, insistait Maurice Bellet, de toutes ces expressions que tant de
chrétiens veulent désormais verser aux oubliettes : enfer, jugement,
rédemption, etc. Si elles ne sont plus comprises ou si elles ne
suscitent que le rejet ou la tristesse, ce n’est pas qu’elles portent
en elle le malheur, mais bien parce qu’elles sont devenues inaudibles,
c’est parce que nous n’arrivons plus à les entendre pour ce qu’elles
sont : bonne nouvelle, évangile pour la vie des humains.
Quel travail entamer afin que cela, vital aux
humains, ne se perde pas ?
Maurice Bellet, grand admirateur des sciences
exactes, utilisa alors un
mot qui sert à désigner, en mathématiques, l’opération de déplacement
d’un objet d’un point A à une point B, sans qu’il perde aucune de ses
propriétés : la translation. Pour le livre portant ce nom, un
sous-titre annonce clairement l’intention : “Croyants (ou non), passons
ailleurs pour tout sauver !” La translation “est passage à une attitude
autre où les deux côtés apparemment hostiles sont tous deux renforcés :
une anamnèse plus exigeante et plus fine, une création plus critique et
plus inventive ”37. Il s’agit de “sortir d’un discours qui sait et sait
d’avance”, pour libérer une “parole qui éveille dans le lieu même du
non-savoir, où la connaissance croît par la présence et pas d’abord par
l’idée ”38.
La translation est une invitation à un travail
(Maurice Bellet
insistait sur le mot) multiple. Travail sur les thèmes chrétiens – et
de donner en exemple, dans ce livre, le Don, le Jugement, la
Résurrection. Travail aussi sur les modalités d’annonce de la Parole, à
travers le principe de relativité relationnelle : “S’il y a une vérité
elle n’a ‘sa vérité’ que dans la relation où elle se risque. Il ne
suffit pas de ‘dire la vérité’ pour que la relation soit vraie. Or, en
amont de toute vérité s’annonce et demeure cette relation primordiale
où advient pour nous l’humain de l’humain. Si donc, dans la relation où
s’instaure la parole, cette relation-là vient à défaillir, alors la
plus haute vérité devient mensonge ”39. De quoi donner à penser à
celles et ceux que taraudent l’ évangélisation et la catéchèse… Travail
enfin sur la réalité de ce qu’on appelle Église, inévitable aux yeux de
Bellet parce que “si vraiment de cet homme a jailli le feu qu’il
voulait voir s’allumer sur la terre, alors il est impossible que ceux
qui ont entendu cette voix ne constituent pas un groupe à part : tout
simplement parce que d’autres ne l’ont pas entendue et que ce qu’elle
dit est d’une telle force que d’entendre ou pas fait une différence
majeure ”40. Mais l’ambition de cette ecclesia doit être extrême :
“tout garder de ce qui fait la substance de la foi, se refuser
absolument aux arrangements que réclamerait la pensée contemporaine.
C’est être en même temps, non seulement contemporain, mais porté en
avant par la foi même, pour une annonce et une pensée qui oeuvrent dans
l’avenir qui commence parmi nous. Loin de réduire la foi à ce que l’on
juge tolérable, c’est libérer sa puissance qui veut le bouleversement
du monde. Loin de ramener toutes choses à ce qu’on peut en dire ou en
faire à l’intérieur de la bulle religieuse, c’est oser se perdre dans
un espace-temps qu’on ne maîtrise pas, où l’on peut seulement faire
fond sur ce qui nous y jette – Abraham partit sans savoir où il allait
”41.
Cette phrase exprime le sens même de la démarche et
du travail qui
furent ceux de Maurice Bellet pendant cinquante ans.
Je n’ai fait ici qu’en esquisser les contours – et
encore, en
pointillés. Avec l’espoir que dans cet avenir qui rivait le regard de
Maurice Bellet, sa parole greffée sur la Parole qui veut la vie des
humains, inspire des femmes et des hommes prêts à se mettre au travail.
Bibliographie de Maurice Bellet On peut retrouver sur son blog
– belletmaurice.blogspot.com – des
textes de conférences, des articles, mais aussi des textes inédits
qu’il a laissés à cette intention et qui continueront d’alimenter le
site. Les parutions d’inédits et les rééditions y seront également
annoncées.
aux éditions Desclée de Brouwer : - Vocation et liberté, 1963 - La force de vivre, 1963 (rééd.) - Ceux qui perdent la foi, 1965 - La peur ou la foi, 1968 - Essai d’une critique de la foi, 1968 - Le sens actuel du christianisme, 1969 - Le point critique, 1970 - Réalité sexuelle et morale chrétienne, 1971 - Le déplacement de la religion, 1972 - Foi et psychanalyse, 1973 - Naissance de Dieu, 1974 - Au Christ inconnu, 1976 - Le lieu du combat (Desclée), 1976 - La théorie du fou, 1977 - Le Dieu pervers, 1979 - Théologie express, 1980 - L’Issue, 1984 - L’épreuve ou le tout petit livre de la divine douceur, 1988 - L’écoute, 1989 - Christ, (Desclée) 1990 (rééd. Mame-Desclée De Brouwer 2010) - Dire, ou la vérité improvisée, 1990 - L’Eglise morte ou vive, 1991 - La Critique de la raison sourde, 1992 - La seconde Humanité. De l’impasse de ce que nous appelons l’économie, 1993 - Incipit ou le commencement, 1994 - Sur l’autre rive, 1994 - L’extase de la vie, 1995 - Les allées du Luxembourg, 1996 - Le lieu perdu. De la psychanalyse du côté où ça se fait, 1996 - L’Europe au-delà d’elle-même, 1996 - L’insurrection, 1997 - Le sauvage indigné, 1998 - Thérèse et l’illusion, 1998 - La chose la plus étrange, 1999 - Le rêve, 1999 - L’amour déchiré, 2000 - La Voie (rééd.), 2000 - La Quatrième Hypothèse. Sur l’avenir du christianisme, 2001 - La Longue Veille. 1934-2002, 2002 - La nuit de Zachée, 2003 - Le paradoxe infini, 2003 aux éditions Bayard : - Passer par le feu. Les années Christus, 2003 - I nvitation. Plaidoyer pour la gratuité et l’abstinence, 2003 - La traversée de l’En-bas, 2005 - Le meurtre de la parole, 2006 - Le Dieu sauvage. Pour une foi critique, 2007 - Minuscule traité acide de spiritualité, 2010 - Translation, 2011 - Si je dis Credo, 2012 - L’avenir du communisme, 2013 - L’explosion de la religion, 2014 - Notre foi en l’humain, 2014 - La chair délivrée, 2015 - Un chemin sans chemin, 2016 aux éditions Albin Michel : - Dieu, personne ne l’a jamais vu, 2008 - Je ne suis pas venu apporter la paix. Essai sur la violence absolue, 2009 - La Voie (rééd.), 2018 aux éditions du Seuil : - La Voie, 1982 - Un trajet vers l’essentiel, 2004 aux éditions du Cerf : - Octone, roman, 1987 aux éditions l’Harmattan : - Les Survivants, 2001 (rééd. Gallimard, 1974) aux éd. Fayard-Mame : - Construire un langage, 1963 1 Maurice Bellet a écrit des essais, des méditations, mais aussi des romans (y compris pour adolescents, dans sa jeunesse), des pièces de théâtre et même des scénarios de cinéma ! Il en a légué les manuscrits (comprenant d’innombrables inédits) à l’Université de Louvain en Belgique. 2 M. BELLET. L’extase de la vie. Desclée De Brouwer: Paris, 1995, p.10 3 M. BELLET. La fonction critique dans la certitude religieuse, Thèse pour le Doctorat ès lettres, présentée à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université de Paris, 1968. 4 M. BELLET. Théologie express. Desclée De Brouwer: Paris, 1980. 5 M. BELLET. Théologie express, p. 7. 6 C’est moi qui souligne. (NdA) 7 M. BELLET. Théologie express, p. 77. 8 M. BELLET. Critique de la raison sourde. Desclée De Brouwer: Paris, 1992, p. 40. 9 M. BELLET. Le Dieu sauvage. Pour une foi critique. Bayard: Paris, 2007, p. 15. 10 M. BELLET. Je ne suis pas venu apporter la paix… Essai sur la violence absolue. Albin Michel: Paris, 2009, pp. 25-26. 11 M. BELLET, M. L’avenir du communisme. Bayard: Paris, 2013, p.10. 12 M. BELLET. Christ. Desclée De Brouwer: Paris, 1990. Une nouvelle édition augmentée d’une relecture de Henri-Jérôme GAGEY est parue aux éditions Mame-Desclée en 2010. C’est de cette édition qu’est extraite la citation, p.210. 13 M. BELLET. Minuscule traité acide de spiritualité. Bayard: Paris, 2010 p.86. Ce petit recueil de “fléchettes”, comme les appelait Bellet, est une inépuisable source de réflexion critique à propos de ce qui fait ce que l’on pourrait appeler la “culture chrétienne” contemporaine… 14 M. BELLET. Christ, p. 210. 15 Maurice Bellet a repris ce verset comme titre d’un petit ouvrage d’une extrême densité (et néanmoins parfaitement accessible à un large public), paru en 2008 aux éditions Albin Michel. 16 M. BELLET. Naissance de Dieu. Desclée De Brouwer: Paris, 1975. 17 M. BELLET. Christ, p. 211. 18 M. BELLET. Le Messie crucifié, pp. 25-26. 19 M. BELLET. Le Dieu sauvage, p. 159. 20 M. BELLET. Le Messie crucifié, p. 28. 21 M. BELLET. Je ne suis pas venu apporter la paix…, p. 124. 22 M. BELLET. La traversée de l’en-bas. Bayard: Paris, 2005. 23 M. BELLET. La fonction critique dans la certitude religieuse, p. 7. 24 M. BELLET. La fonction critique dans la certitude religieuse, p. 7 25 M. BELLET. La fonction critique dans la certitude religieuse, p. 228. 26 M. BELLET. Le Dieu sauvage, p. 12. 27 M. BELLET. Le Dieu sauvage, p. 150. 28 M. BELLET. Le Dieu sauvage, p. 165. 29 Impossible ici de ne pas songer à cette phrase parmi les plus citées
: “Qu’est-ce qui nous reste ? Qu’est-ce qui reste quand il ne reste
rien ? Ceci : que nous soyons humains envers les humains, qu’entre nous
demeure l’entre nous qui nous fait hommes.” Elle est à l’entame du
petit livre que Maurice Bellet lui-même considérait comme le “coeur du
coeur de son oeuvre : Incipit ou le commencement. Desclée De Brouwer:
Paris, 1992.
30 M. BELLET. Incipit ou le commencement, p. 167. 31 M. BELLET. L’explosion de la religion. Bayard: Paris, 2014 – Un chemin sans chemin. Bayard: Paris, 2016. 32 M. BELLET. La quatrième hypothèse. Sur l’avenir du christianisme. Desclée De Brouwer: Paris, 2001. 33 Cette double modalité, bien observable aujourd’hui, Bellet l’a
développée à de nombreuses reprises dans la suite, insistant sur le
fait que “contestataires et traditionalistes”, en apparence opposés, se
situaient en réalité sur le même terrain, celui d’un christianisme qui,
sur le fond, ne bouleverse rien. C’est juste la forme qui change, dans
un sens ou dans l’autre…
34 M. BELLET. La quatrième hypothèse, p. 17. 35 M. BELLET. La quatrième hypothèse, p. 18. 36 M. BELLET. La quatrième hypothèse, p. 25. 37 M. BELLET. Translation. Bayard: Paris, 2011, pp. 43-44. 38 M. BELLET. Translation, p. 45. 39 M. BELLET. Translation, pp. 50-51. 40 M. BELLET. Translation, p. 177. 41 M. BELLET. Translation, p. 252. Este obra está bajo una licencia
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